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el le phénix, Monsieur Choc est de ceux qui, inlassablement, renaissent de leurs cendres. Accident de voiture, chute dans le vide, crash d'avion, rien ne saurait l'empêcher de mener la vie dure à ses ennemis intimes. Tif et Tondu repartent donc au combat contre l'un des pires criminels de la planète, et ils ne sont pas plus impressionnés que cela.
La publication de l'intégrale des aventures de Tif et Tondu est l'occasion de se replonger dans l'une des séries fondatrices de ce que l'on appelle communément l'âge d'or de la bande dessinée franco-belge. Ou de découvrir les aventures d'un duo composé par un tandem associant deux des plus grands auteurs de cette époque, Will au dessin et Tilleux ou Rosy au scénario pour ces premiers volumes. Pour ce Retour de M. Choc au titre sans équivoque, c'est un autre compère, le scénariste Rosy, qui est à l'honneur avec un dossier assez complet qui lui est consacré en introduction.
La parution ne se fait pas dans l'ordre chronologique puisque les tomes sont regroupés par thèmes. Après la découverte de la main blanche et de son chef emblématique dans le tome un, revoici M. Choc, le chef de gang idéal. Identifiable au premier coup d'œil, malgré les efforts surhumains des auteurs pour dévoiler le plus tard possible l'identité de ce génie du Mal, le "méchant" récurent est un élément essentiel de ce type de série. Quelques-uns des meilleurs épisodes voient ainsi le jour par la simple présence de cet assemblage incongru de fume-cigarette, redingote noire et casque médiéval. Plein gaz, une des trois histoires reprises dans ce volume, en est l'exemple parfait, avec une course poursuite à étapes pendant laquelle tout est permis. Les pièges en tous genres et le machiavélisme des stratagèmes sont légion, tandis que la chance et la dextérité des héros pour se sortir de toutes situations difficiles forcent le respect, le tout sous l'œil aiguisé d'un homme mystérieux semant le doute et le trouble. Une alchimie entre le Bien et le Mal qui pourrait paraître désuète aujourd'hui mais qui, replacée dans son contexte, prend tout son sens. L'époque ne voulait que de gentils qui se sortaient la tête haute des pires chausse-trappes. En cela, Tif et Tondu est un modèle du genre.
Will était un des maîtres de la ligne claire et a donné toute sa dimension à la série créée par Dineur dès les premières heures du journal Spirou. Les amateurs du genre iront jusqu'à excuser très facilement les quelques erreurs de proportions que subissent les deux héros. Etre si court sur pattes et avoir un torse aussi long que large, cela a le mérite de poser un personnage, de construire une caractéristique reconnaissable entre toutes. De là à prétendre que c'était voulu, il n'y a qu'un pas que le fanatique franchira allégrement.
Soixante-dix ans et pas une ride ? Pas tout à fait car la série connaît des hauts et des bas pendant sa longue carrière, mais aucune série à forte longévité ne peut se prévaloir d'éviter quelques baisses de régime. Le choix de l'éditeur de réunir les aventures de Tif et Tondu dans un ordre non chronologique n'est sûrement pas étranger à cette disparité. Savoir profiter de ce qui est proposé sur l'instant et remettre à plus tard les éventuelles déceptions, voilà ce qui peut sembler judicieux.