Info édition : Les volumes I et II sont parus simultanément. Noté "N001" au 4e plat. 6 pages en couleurs. Avec jaquette illustrée.
Résumé: Les aventures thermales de Lucius se poursuivent sur les chapeaux de roue. Si l’humour est toujours aussi présent (un orgueilleux citoyen romain pris pour un dieu japonais de la fertilité suite à un malentendu, puis enfermé dans l’enclos aux crocodiles d’un parc d’attractions, ou encore terrifié mais excité par sa première glissade sur un tobogan aquatique) notre architecte semble être de plus en plus dépassé par les événements : devenir un proche de l’empereur, s’est s’attirer l’inimitié de gens puissants. Lucius va-t-il se retourver au centre d’un complot politique ?
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ome, en 128. Lucius Modestus, un jeune architecte, vient de voir ses plans refusés parce que jugés trop désuets. Alors qu’il broie du noir, il est interpellé par son ami Marcus, un tailleur de pierre, qui lui propose d’aller se changer les idées aux thermes. Sur place, le bruit et la foule empêchent Lucius de se détendre. Il s’immerge donc complètement et, ce faisant, aperçoit un trou d’évacuation dont il s’approche. Il est alors emporté par le courant et ressort de l’eau au milieu de visages inconnus. Transporté sans le savoir dans le Japon d’aujourd’hui, il découvre avec étonnement les artéfacts extrêmement évolués et l’art des bains d’un peuple qu’il croit soumis à l’Empire romain. Mais à peine a-t-il eu le temps d’apprécier les techniques de ce monde étrange qu’il est de retour à Rome où il met aussitôt à profit ses découvertes.
Plusieurs fois primé au Pays du soleil levant où il a connu un grand succès, Thermae Romae débarque en France où Casterman vient d’en publier simultanément les deux premiers tomes. La recette concoctée par Mari Yamazaki est simple : parler de deux cultures qu’elle connaît bien à travers un point commun, la pratique des bains publics, sur un ton enjoué et en y ajoutant un petit grain de fantastique afin d’assurer le lien entre les deux époques et les deux pays. Cela fonctionne plutôt bien, car les volumes déjà parus se lisent avec aisance et plaisir. En effet, le côté réaliste, jamais oublié, apporte de l'authenticité à un récit qui est basé sur plusieurs voyages spatio-temporels involontaires, tandis que la touche fabuleuse assure non seulement l’évolution de l’histoire, mais aussi – voire surtout – l’élan comique que provoque un tas de situations cocasses.
Chaque chapitre évoque un aspect particulier des thermes, qu’il s’agisse de la décoration, des systèmes pour acheminer l’eau chaude, de la complexité de bâtir de tels espaces en extérieur, de la mise à profit des sources naturelles etc. Mais de nombreux autres thèmes, culturels, sociétaux ou politiques, sont également abordés. Il est ainsi question de succession dynastique, l’empereur Hadrien vieillissant, comme de cérémonies autour de la fertilité, tant à Rome qu’au Japon. De plus, chaque partie est suivie d’une double page dans laquelle l’auteure commente l’intrigue et explique ses choix scénaristiques ainsi que les recherches qu’elle a menées.
Néanmoins, si cette succession d’aller-retour dans le temps et l’espace s’avère cohérente et plutôt plaisante, elle comporte une certaine linéarité et une répétition schématique qui peut lasser à la longue. Il faut d’ailleurs attendre la fin du deuxième volume, pour que les tauliers de thermes privés manifestent enfin leur face au succès des bains innovants du héros ou, en toute dernière planche, qu’un individu visiblement malintentionné fasse son apparition. En outre, si Lucius ne manque pas d’être assez attachant, l’intrigue reste relativement plate autour de son évolution psychologique ou sentimentale, hormis le rapide épisode autour de sa dulcinée.
Doté d’un trait fin, le graphisme est réaliste, tout en s’autorisant la caricature lorsqu’il s’agit de transmettre les diverses émotions des protagonistes, Lucius en tête dont les expressions sont particulièrement travaillées et amplifiées chaque fois qu’il atterrit dans le monde des « visages plats ». De façon générale, l’atmosphère des bains, au centre du récit, est bien rendue, et les décors antiques soignés et détaillés. Le découpage clair et précis procure une bonne lisibilité. Enfin, le choix de différencier la typographie quand le personnage principal se trouve au Japon permet d’accentuer le fait qu’il est un étranger sur place.
Malgré quelques bémols dont on espère qu'ils seront corrigés, ces deux premiers volumes constituent une entrée en matière réussie pour une série qui donne fortement envie d'aller se prélasser dans l'eau.