Info édition : Noté "Première édition". Format : 250 x 313 mm.
Résumé: Le premier tome de "Thérapie de Groupe", "L'Étoile qui danse" (1), mettait en scène un auteur de bande dessinée en plein désarroi à la recherche de l'inspiration.
Dans le second tome de cette trilogie, "Ce qui se conçoit bien" (2), l'auteur, toujours en panne, poursuit sa quête de l'idée du siècle afin de redevenir l'auteur à succès qu'il était.
Après ses échecs répétés il est désormais hébergé par la Clinique des Petits Oiseaux Joyeux (« Clinique Psychiatrique pour fous, gros et demi-gros. »).
Il y expérimente la vie en communauté et va donc participer, ou non, aux animations proposées : sport (« De vous à moi, c'est pas pour critiquer, mais on ne fait pas une équipe de foot potable avec des sociopathes. »), atelier de dessin, rencontre avec le psychiatre (« J'aime bien les psychiatres, ce sont les seuls à écouter sérieusement les fous... », distribution de médicaments («la drogue y est gratuite et en plus - et je n'ai jamais vu ça ailleurs - il y a toujours quelqu'un pour s'assurer qu'on prenne bien toute notre drogue. C'est bien simple, je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas plus de monde.»).
En décrivant un Manu Larcenet en manque d'idées, l'auteur ouvre des dizaines de pistes qu'il explore avant de les refermer et démontre paradoxalement une imagination débordante.
Il continue d'explorer l'histoire de l'Art, fréquente Jérôme Bosch et Brueghel l'Ancien, convoque Boileau et Nietzche à un débat télévisé, dialogue avec Baudelaire et réinvente le western.
Le séjour à la clinique porte ses fruits et l'auteur, pas forcément guéri mais apaisé, retrouve sa famille. Une happy end provisoire en quelque sorte : « Aux Petits Oiseaux Joyeux, si on met de côté quelques suicidaires, en général tout se finit bien . » Un album dense d'une originalité absolues. C'est riche, débridé, foisonnant, intelligent, drôle, décalé et désespéré.
Mais l'auteur est aussi un artiste et, en revisitant les grands maîtres, il démontre une incroyable virtuosité graphique.
Manu Larcenet, le dessinateur, peut tout dessiner, jongler avec les couleurs, le noir ou le sépia, adopter tous les styles ; c'est un créateur torturé et complet.
Les lecteurs familiers de l'auteur ont évidemment déjà lu le premier tome de cette série hors-norme. Pour ceux qui sont en première année de Larcenet, il est recommandé de le découvrir en commençant par lire le sensationnel "Combat Ordinaire", son premier très grand succès.
(1) « Il faut du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse ». (Frédéric Nietzche) « Le problème avec le chaos en soi, c'est que c'est pas marrant tous les jours. » (Thérapie de Groupe tome 1) (2) « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. » (Nicolas Boileau) « Je découvre que, si je veux trouver les mots pour dire mon chaos, il faudrait que je le conçoive bien. Or par définition si je le concevais bien ce ne serait plus du chaos... » (Thérapie de Groupe, tome 2)
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a ne va toujours pas mieux pour Jean-Eudes de Cageot-Goujon (vous le connaissez peut-être sous son nom de plume, Manu Larcenet). Souffrant de dépression et plongé en plein doute à propos de ses capacités créatives, il s’est fait interner volontairement dans une clinique psychiatrique. Travailler sur soi, participer à des sessions de groupe, parler, être écouté et, pourquoi pas, retrouver la flamme ?
Malgré les succès et la reconnaissance, comme beaucoup d’autres artistes (cf. Désœuvré de Lewis Trondheim ou le récent Oleg de Frederik Peeters), Larcenet commence à trouver difficile, ou même impossible, de devoir allonger un nouvel album. Comment faire pour se renouveler et éviter de tomber dans la facilité ? Cette peur de la page blanche est accentuée par une tendance maladive à vouloir se comparer avec les Anciens et pas les derniers de la classe par-dessus le marché. Après Cézanne dans le premier tome, c’est au tour de Bosch, Bruegel, Boileau, Nietzsche et Baudelaire d’être appelés au parloir. Ces différents interlocuteurs donnent l’occasion au lecteur de suivre des scènes hilarantes remplies de bons mots, ainsi que de réelles questions existentielles. Le tout est entrecoupé de tentatives désastreuses pour créer « du neuf » et de nombreuses réflexions plus ou moins assassines sur le paysage de la BD.
Si la souffrance de l’homme n’était pas réelle et douloureusement tangible, cette Thérapie de groupe ne serait qu’une autofiction rigolote et vaguement torturée comme il en existe un grand nombre. De plus, le scénariste pousse également en avant une problématique – la maladie mentale – souvent taboue au sein de la société, rien que pour ça l’ouvrage est salutaire et bienvenu. Reste que sa forme hybride mi-déconne mi-psychotique pourrait désarçonner, voire effrayer certains lecteurs. Pourtant, en y regardant de plus près, tout ce qui est raconté dans Ce qui se conçoit bien se trouve déjà disséminé ici et là dans la riche bibliographie du créateur de Bill Baroud. Cependant, Larcenet ne ressasse pas. Non, il se bat réellement contre ses démons et, se faisant, se met totalement à nu.
Exercice tendu et crispé en dépit de l’humour omniprésent et de son extraordinaire construction/mise en image, Thérapie de groupe est une lecture forte et, espérons-le, salvatrice ou cathartique pour son auteur.