Résumé: Situé dans le sud de la Turquie, le site de Göbekli Tepe (« la colline ventrue ») est considéré comme le premier temple de l’Histoire. Érigé environ 9 000 ans avant notre ère, il regroupe des structures monumentales, édifiées par l’homme au début de la sédentarisation. Firat Yaşa s’est basé sur les connaissances que nous avons de ce site pour imaginer une aventure teintée de fantastique au cœur de cette société en transition, qui abandonne progressivement le nomadisme pour un nouveau mode de vie, précurseur de ce que nous appelons aujourd’hui la "civilisation".
Râht, le personnage principal, n’est pas fait pour le nouveau mode de vie qui se met en place, il a la capacité de parler avec les animaux et il préfère leur compagnie à celle des humains. Depuis la mort de sa mère, il vit en paria, errant loin des hommes, en compagnie d’un renard. Leur rencontre avec une gazelle fuyant les chasseurs de la tribu de Göbekli Tepe, qui veulent l’offrir en sacrifice à leur dieu, marque le début d’une amitié.
Tepe est un conte beau et violent, sur l’humanité d’il y a des milliers d’années, mais c’est aussi une critique subtile des sociétés modernes, une réflexion sur la religion et sur notre relation avec la nature.
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i]Je vous parle d’un temps que les moins de … Non, l’histoire dont il est question est bien plus ancienne. Elle se déroule avant l’aube de l’Humanité, à une époque où les humains commençaient à peine à réaliser qu’ils n’étaient pas des bêtes, quoique. Reprenons : il y a bien longtemps, sous les étoiles, quelque part en Anatolie, un homme et un renard vaquant à leurs affaires s’approchèrent d’une colline. Sur celle-ci, rassemblé près d’étranges monolithes, un groupe d’individus chantait et dansait à la lueur d’un brasier gigantesque…
Vrai-faux récit néolithique, pseudo-conte mythologique venu de la nuit des temps et fable à teneur religieuse, voire politique, Tepe – La colline ratisse large. Firat Yaşa ne s’est pas vraiment embarrassé d’une quelconque rigueur historique pour imaginer une saga remplie de fureur et d’amour. La société humaine commence à peine à exister. Les chasseurs-cueilleurs débutent leur sédentarisation autour de lieux distincts (un promontoire naturel, par exemple) et bâtissent ce qui ressemble à des sanctuaires. Des nouvelles croyances apparaissent dans la foulée et gare à ceux qui ne suivent pas le même chemin ! Moment-pivot de l’Histoire, juste avant que l’agriculture vienne tout bouleverser. Pour la première fois, l’Homme s’émancipe des forces de la nature et ose imposer sa volonté. Plus rien ne sera comme avant.
Râht, un homme solitaire et Murr, un chevreuil orphelin, ne veulent pas de cette «modernité» qui leur fait peur. Ils sont de la vieille école, celle qui embrasse et respecte le monde dans sa totalité. Parias du fait des circonstances, ils vont être visés et coursés par les tenants de la nouvelle réalité. S’engage alors une longue traque à travers la plaine. Ils trouveront de l’aide auprès d’autres peuplades, mais le répit ne sera que de courte durée. Personne ne peut arrêter le cours des choses, le progrès. Pourtant, au-dessus d’eux, les étoiles ne cessent de briller et les constellations prouvent qu’ils existent bel et bien.
Mélange de dessins minimalistes rappelant Éric Feres ou même Chrisopher Hittinger par certains aspects et les peintures rupestres, la narration est emballée par une mise en couleurs riche et presque baroque. De plus, Firat Yaşa utilise le cadre géographique d’une manière magistrale : les espaces infinis du plateau anatolien, les formations géologiques de la Cappadoce et, surtout, les ruines de Göbekli Tepe, le célèbre site archéologique. Il en résulte un ouvrage vibrant et véritablement habité qui résonne longtemps après l’avoir refermé.
En dépit d’un scénario parfois un peu répétitif, Tepe – La colline est une lecture décoiffante, dotée d’une réalisation visuelle impressionnante. Un auteur et un univers à découvrir d’urgence !