Résumé: Au château d'Ôsaka, Kurata-Tengu découvre qu'un traître a vendu aux forces du shogounat une liste de tous les rônins rebelles partisans de l'Empereur. Mais il succombe aux mains du châtelain, après un combat héroïque. Enfermé dans un cachot, il attend sa fin quand... Sugisaku, qui a fait à pied le chemin de Kyoto à Ôsaka et a escaladé les remparts du château pour se porter à son secours lui remet son révolver par la fenêtre. Émouvantes retrouvailles, où un enfant peut sauver la vie du héros qui lui a montré la voie d´une vie d'espoir et de dignité, et inversement, où un bushi peut vivre l´émotion du combat la plus intense de sa vie pour un enfant. Malheureusement, Sugisaku est grièvement blessé. Il sera sauvé, grâce à un stratagème de Saïgô qui fait éclater une émeute populaire pour investir le château. Le tengu parvient à s'échapper, après avoir confié Sugisaku à ses pires ennemis du Shinsen-gumi. Tiraillé entre l'affection des deux camps ennemis, Sugisaku fait le serment de rester aux côtés des partisans de l'empereur. Kurata et Sôji se défient en duel.
S
ugisaku fait partie d’une troupe d’enfants saltimbanques, exploités par un homme sans scrupules, qui se produit dans la rue. Sa vie va changer après sa rencontre avec un seigneur qui l’incitera à s’échapper et à s’émanciper. Il découvrira que cet homme a une autre identité : il est le « Tengu » qui défie la milice du shogounat. Malgré les efforts déployés pour contenir l’opposition par la force, ce système vit ses dernières heures.
La collection Akata de Delcourt se fait un point d’honneur de proposer quelques ouvrages souvent remarquables qui révèlent un aperçu de la société japonaise ancienne ou contemporaine. Ils offrent une vision souvent fidèle de la réalité, ou plutôt romancée selon les cas, mais ont pour dénominateur commun la présentation d'une société qui bouge, qui évolue. Pour la plupart d'entre eux, ces titres sont accompagnés d’avant-propos ou de notes véritablement instructives qui aident à resituer l’ouvrage dans son contexte. On est alors loin de l'inconsistance de certains titres déversés en flux continus sur le marché, souvent quelconques et qui ont donné une image écornée et partielle de la richesse du manga. Parmi les titres Akata évoquant cette problématique, on citera pêle-mêle Ayako, Tsuru, Tajikarao, Satsuma, Initiation ou ce récent Tengu.
L’un des atouts évidents de ce dernier titre, c’est le dessin de Hideki Mori qui montre à nouveau son talent à illustrer les récits historiques. Découvert en France par un assez large public grâce à la remarquable série Stratège (Tonkam, 11 volumes de 1999 à 2001) qu’on aimerait bien voir rééditée, Mori excelle dans un dessin tout en contrastes purs, le plus souvent dénué de trame et qui magnifie les noirs. Dans cette série aussi, il se laisse parfois aller à l’exercice de la pleine page lorsque le souci du détail l’exige et nous gratifie de dessins d’animaux particulièrement précis et convaincants.
Pour l’histoire, il faudra sans doute attendre le 2ème tome pour qu’elle se développe pleinement. Pour l’heure, l’accent est mis sur ces personnages et ce contexte de mutation qui s’impose à eux. L’ouverture vers le reste du monde et plus particulièrement sur la culture occidentale se fait avec une certaine brutalité. Le passage d’un système féodal en place depuis plus de deux siècles à une organisation et des principes de société moderne (même si elle doit s’exercer dans le cadre d’un empire) a été réalisé sans véritable période transitoire. Ce changement est perçu comme une contagion propagée par l’Occident qui s’immisce au Japon comme le ver dans le fruit. C’est ce que nous rappellent les notes de l’équipe manga de l’éditeur. C’était aussi le sujet principal d’autres séries comme Tsuru, princesse des mers (Delcourt, 3 tomes dessiné par le même Mori) dans laquelle la menace vient de l’océan avec l’étranger et ses innovations en matière de navigation qui crèvent la bulle protectrice de l’insularité en permettant les voyages au long cours. Le thème est présent également dans l’Arbre au soleil de Tezuka (Tonkam) dans laquelle l’introduction des méthodes de la médecine européenne agit comme un catalyseur pour exacerber les passions et diviser les camps des traditionalistes et des modernistes.
Tengu relate donc un de ces épisodes de l’Histoire nippone sous couvert d’un récit d’amitié samouraï – enfant et de combats sanglants. Cette adaptation du roman qu’Osaragi écrivit sur une période d’environ quarante ans est prévue en quatre volumes. Au vu de ce qui nous est conté dans ce 1er tome, cela parait bien peu, l’adaptation en manga ayant peut-être privilégié l’action. Sur ce qu’il nous est donné de voir, il est indéniable que l’écriture est on ne peut plus classique. Associé à un trait rustique et à un découpage simple, on peut prêter à l’ensemble un certain charme suranné, ou un goût un peu poussiéreux rédhibitoire, c’est selon. Cela n’en reste pas moins intéressant.