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homas est de retour au pays. Parti au Congo il y a huit ans pour oublier une peine de coeur, sa réapparition ne passe évidemment pas inaperçue. En ce début de 1938, le contexte géopolitique belge et mondiale est des plus explosives. Arrivera-t-il à retrouver une place au sein des siens et de son pays ?
Dès les premières pages du Retour, premier volume des Temps Nouveaux, la patte de Warnauts et Raives est reconnaissable. Le très classique trio amoureux composé de Thomas, d’Alice et de Charles, frère du premier, permet de créer des situations chères aux auteurs de La contorsionniste et de À cœurs perdus. La femme a préféré la sécurité du notable à la fougue de l’aventurier, le retour de ce dernier rallume les flammes de l’amour et de la jalousie. Heureusement, à cette très traditionnelle trame, vient s’ajouter, en toile de fond, la montée du fascisme et la délétère atmosphère dans laquelle la Belgique – l’Europe et bientôt le Monde – baignait en 1938. Charles est évidemment un sympathisant rexiste (parti nationaliste d'obédience fasciste) tandis que Thomas penche plutôt vers le camp opposé. Les auteurs ont pris une extrême attention à bien développer toute cette partie historique (un lexique chronologique des principaux évènements politiques complète même l’ouvrage). Les différentes fractions en présence et les réactions de la population locale nourrissent admirablement l’intrigue. Le mélange de crise morale, économique et politique raisonne d’ailleurs, d’une façon un peu inquiétante, avec les circonstances kafkaïennes dans lesquelles se retrouve la Belgique ces derniers mois.
Graphiquement, le résultat est à la hauteur des précédents albums des deux dessinateurs. Amoureux de leur coin de pays, ils ont effectué un travail de reconstitution minutieux et rempli de tendresse. Le rendu du temps qui passe – le récit se déroule sur deux années – est particulièrement bien retranscrit. Grâce au toujours admirable travail de Raives pour les couleurs, les saisons, avec leurs tons et leurs ambiances propres, défilent gracieusement au fil des planches. Warnauts et Raives, avec des auteurs comme Jean-Pierre Gibrat et Lax, dans une certaine mesure, confirment leur grande maîtrise d’une certaine BD réaliste moderne.
Mélangeant Histoire et sentiment, Le retour offre un bon moment de lecture. Suite et fin dans le tome 2.
Les avis
Touriste-amateur
Le 07/12/2021 à 18:09:35
Cet avis vaut pour les deux albums que j'ai lu l'un après l'autre.
Comme toujours, pas de fausse note dans ces opus de la collection "Signé", même si j'ai trouvé le scénario un peu faible. Il ne se passe pas grand chose! J'ai cependant apprécié l'originalité de placer ces deux tomes l'un dans l'avant 2ème guerre mondiale, l'autre dans l'après.
Et il convient bien sûr de souligner la qualité des dessins car tout est dans la subtilité, le détail d'un regard, l'humilité des personnages, la précision des paysages.
J'ai finalement passé un très agréable moment dans cette lecture qui, sans être exceptionnelle, a sa place dans toute bibliothèque BD.
Erik67
Le 24/11/2020 à 13:27:25
Les Temps Nouveaux est un titre qui résonne un peu comme le fameux film de Charlie Chaplin. C’est un peu trompeur car l’action se passe en 1938 dans les Ardennes belges autant dire dans un coin paumé où le destin du monde n’est pas en jeu. Ce titre évoque une époque charnière où les nationalismes vont prendre le pas et entraîner le monde dans une logique de guerre. C’est cela la nouveauté ?
Nous n’en sommes pas encore là puisque la bd traite du retour prodige d’un frère libertin aux idées révolutionnaires. Quoi de mieux que le Congo belge pour se refaire une santé ! Bref, la bd va jouer sur la rivalité de deux frères qui semblent être opposés aussi bien politiquement que pour le cœur d’une femme. Il est également question d’un parti rexiste tenu par un clone d’Hitler qui aurait d’ailleurs eu les sympathies d’un certain Hergé. On constate que la Belgique était toujours aussi divisée.
Il ne se passera finalement pas grand-chose tout le long de ce premier tome qui semble poser les personnages. Cependant, on pourra admirer les beaux paysages wallons avec ses petits villages et son côté forestier qui fleure bon les produits de terroir. Cette bd ressemble un peu à celle de Gibrat à savoir « Mattéo » mais sans en atteindre la force et le dynamisme. Cela reste une lecture sympathique et intéressante sur la Belgique pendant ces temps troublés. Je précise qu'il s'agit d'un diptyque.
Le second tome viendra clore cette histoire où l'action va littéralement piétiner. Il est dommage d'avoir fait un grand bon en avant de 5 années pendant lesquelles on occulte la guerre ce qui aurait pû être intéressant. On découvre que le héros n'est que le témoin de la grande Histoire. Il y aura tout juste une révélation dans cette période trouble de la libération des Ardennes belges où l'heure est au règlement des comptes. Bref, c'est une chronique de guerre ni plus ni moins qui met l'accent sur la reconstruction psychologique après toutes les destructions physiques.
Hugui
Le 16/01/2012 à 20:01:05
Juste avant la guerre dans les Ardennes belges, retour après 10 ans d'Afrique en pleine tourmente d'avant guerre qui retrouve les tourments du cœur.
Ambiance d'époque très bien rendu, personnages complexes crédibles et attachants, une mise en image agréable, comme d'habitude chez le duo, une lecture très intéressante.