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andis que Booga drague un marsupial, que Sub girl et Jet girl s’empiffrent de burger et que Barney… qu’est-ce qu’elle fabrique Barney ? Bref, pendant que tout le monde adopte une attitude quelconque, Tank girl reçoit un message de sa mère adoptive, lui annonçant qu’elle se meurt. Un orage magnétique éclate soudainement, empêchant l’héroïne d’en apprendre davantage. Contrainte d’agir dans la précipitation, elle glisse sa carcasse à l’intérieur d’un prototype de blindé, nommé le Tankmaster. Puis, elle pénètre au cœur d’un désert inhospitalier accompagnée de sa clique. Rapidement, le tas de ferraille rencontre des difficultés. La bande se retrouve isolée au milieu d’un paysage dévasté et bondé de créatures aux griffes longues comme un poignard et aux dents aussi solides qu’une munition de 22 Long rifle. Aïe !
La structure narrative proposée par Alan Martin patît d’une entrée en matière verbeuse, où les intentions des protagonistes sont incompréhensibles, particulièrement celles de Booga – kangourou évolué et compagnon « fidèle » de la seule anarchiste à la crête iroquoise du neuvième art. Heureusement, le scénariste embarque d’un seul coup son lectorat dans un road-trip en plein bush australien, en usant du MacGuffin. Ce procédé d’écriture, popularisé par Alfred Hitchcock, consiste à présenter de manière floue un prétexte à une aventure tellement immersive que l’élément générateur perd de son importance jusqu’à devenir une simple anecdote. En l’espèce, l’auteur annote son script et s‘y réfère explicitement. Il propose ainsi à sa muse de traverser le pays-continent, afin de revoir une dernière fois la femme qui l’a élevée. Aussitôt, sa protagoniste principale s’engage dans un périple torride en compagnie de sa troupe de farfelues. L’écrivain recouvre alors ses petits. Il sème des mutants, poilus et violents. Ça défouraille à droite, ça explose à gauche et cerise sur le gâteau, une critique du modèle libérale se fait jour. Un clin d’œil aux origines bienvenu, du temps où la progéniture de Jamie Hewlett crachait sur le thatchérisme.
Aux commandes de l’animation de l’égérie punk depuis Two girls one tank (2018), Brett Parson a su imposer sa patte. Simultanément plus rond et plus grand public, son dessin est bien posé et varié en épaisseur autant qu’en cadrage. L'artiste ajoute, de surcroît, des trames au-dessus de son encrage qui apporte un côté rétro très agréable. Néanmoins, le style dénote toujours avec la touche underground du début. Les compositions manquent d’épingles à nourrice, de clopes, de scènes provocantes, de verts et de roses. D’ailleurs, en ce qui concerne la polychromie, excepté pour les scènes nocturnes traditionnellement bleutées, le coloriste use d’une teinte de fond assez aride, plutôt judicieuse. Un dégradé de rouge habille tant les ciels que les roches, instaurant un climat caniculaire. L’ensemble est ensuite amendé d’un costume pigmentaire convenu, mais pas acariâtre.
Yuck, graphiste du label 619 des éditions Ankama, produit une maquette remarquable. La couverture reprend une illustration splendide de Greg Staples, encadrée d’un large bandeau noir. Le rendu est proche des boîtiers de certaines cassettes VHS (Vidéo Home Système) de série B, à l’instar du travail opéré sur Nanarland, le livre des mauvais films sympathiques. Des effets de vieillissement et de collage s’additionnent enfin pour finaliser l’aspect buriné. Punk’s not dead !
Action Alley est un char littéraire s’abreuvant de diesel. Un démarrage faiblard, une mise en route qui écrase tout sur son passage et un dispositif de freinage absolument pas au point ! Malgré les deux pieds sur la pédale, l’engin ne s’arrêtera pas avant le prochain volet, Tank girl Forever !