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oger a connu des jours meilleurs. Sous l'identité de Super Rabbit, il fut le champion de l'ordre et de la justice. Le soir, dans les ruelles, rien que l'ombre de ses oreilles faisait trembler malfrats et vilains. Aujourd'hui, le taux de criminalité a bien baissé et la société n'a plus besoin de lui. Au pire, le dynamique Mousse Costeau est là pour ramener l'harmonie dans les foyers. C'est peut-être le moment pour Roger de raccrocher définitivement son habit de carmin et de spandex et de se trouver un boulot normal.
Drame social et parodie, Martin Wautié, dont Super Rabbit est le premier album, mélange allègrement ces deux genres en évitant tout excès. Si l'intrique en elle-même n'est guère originale, le héros – Roger – a droit à un traitement particulièrement soigné. Outre le décalage amusant entre sa déchéance houblonnée et son lustre passé, le scénariste a pris la peine de lui donner une vraie consistance psychologique (ses relations avec son ex-femme et son fils par exemple). Malheureusement, une fois passée la découverte du personnage et, malgré de nombreuses idées inventives (la vente de la carotte-mobile, les sessions à l'ANPE locale), le scénario ne se résume qu'à une succession, guère passionnante, de rebondissements un peu trop téléphonés.
Graphiquement, l'approche très « vintage » de Wautié est des plus réussies. Maîtrisant à la perfection l'outil informatique, il reproduit, avec beaucoup d'habileté, une esthétique désuète (linogravure, carte à gratter, couleurs profondes) très probante. Même s'il a plus de peine pour les scènes d'action dans lesquelles il abuse un peu trop d'effets hors-cases, le dessinateur démontre un talent certain en devenir.
Album mi-figue mi-raisin, Super Rabbit souffre d'un argument un peu trop prévisible pour vraiment convaincre.