Info édition : Noté "Première édition". Sous jaquette avec vernis sélectif. Préface de 2 pages.
Résumé: Tim, dentiste divorcé, qui multiplie les liaisons féminines, amène son fils de treize ans, sur un îlot désert des Aléoutiennes, au Sud de l'Alaska, avec l'intention d'y passer une année entière loin de toute civilisation. Le prétexte est de resserrer ses liens avec lui, de le confronter à la beauté et à la sauvagerie du monde, comme pour un rite d'initiation. Mais il se peut que son but inavoué soit tout autre. Retrouver sa dignité de père dans les yeux de son fils, se prouver qu'il est capable d'assurer son métier d'homme. La dureté des conditions de vie et du climat, les pièges cachés de ce théâtre des origines, les manquements et défaillances de Tim, la lucidité du regard que l'adolescent porte sur lui, transforment le rêve de pureté à la Thoreau en confrontation sans pitié, jusqu'à l'épouvantable coup de théâtre qui fait basculer l'histoire dans la folie et l'effroi. Ugo Bienvenu, jeune prodige venu de l'animation, s'empare de ce huis clos en pleine nature. En totale empathie avec les deux protagonistes et la tragédie qui les broie, il en tire un graphic novel hypnotique, où la splendeur glacée du monde sauvage le dispute à la déchirure des sentiments les plus enfouis. Son trait classique allié à une rigueur narrative peu commune produit un objet fascinant, profond et laconique, où les jours et les mots flottent comme la buée d'un souffle dans l'hiver d'Alaska. Une réinterprétation d'une fidélité sans faille au roman d'origine, pourtant complètement neuve et différente. Une réussite impressionnante, s'agissant de la première incursion de ce très jeune artiste dans le domaine de la narration graphique.
U
n père divorcé, perdu, en prise avec de nombreux démons qui le rongent de l’intérieur, décide d’emmener son fils sur une île déserte et difficilement accessible pour y passer un an. L’occasion rêvée, semble-t-il, pour resserrer des liens et apprendre à se connaître vraiment, après tant d’opportunités manquées. Les conditions de vie spartiates vont-elles les pousser à s’épauler mutuellement ou, au contraire, mettre au jour une insurmontable incompatibilité ?
Adaptant un roman de David Vann, Ugo Bienvenu, réalisateur, livre ici sa première bande dessinée. Il est d’emblée évident que l’auteur a une grande expérience du dessin, tant le trait est maîtrisé. C’est d’ailleurs là que réside l’atout premier d’un album qui n’hésite pas à se montrer austère, à l’image d’un environnement naturel fait de violence et d’une beauté des plus froides. Les paysages arides, rendus plus sauvages encore par l’arrivée des premières grosses neiges, sont pour le moins fascinants et, par leur dénuement, imposent aux personnages de se regarder en face. La mise en scène, d’une extrême lenteur, permet aux émotions d’affleurer progressivement et à la tension de s’installer, rendant l’issue imprévisible. La relation qui unit le père et son fils est, dès le départ, particulière, faite de non-dits et de ressentiments en même temps que d’une véritable envie de se confier, de s’apprivoiser. Il est aussi beaucoup question de se voiler la face, d’attendre l’obscurité pour se livrer avant de se remettre à jouer un rôle en pleine lumière. Cette dualité fait par moments douter de tout, tant il est perceptible qu’un tel équilibre est précaire.
Intrigant, racé, dérangeant… autant d’adjectifs qui pourraient s’accoler à cet ouvrage qui possède une vraie identité. Réussite graphique et narrative, Sukkwan Island permet à un jeune artiste de se révéler.
Les avis
Erik67
Le 05/09/2020 à 19:54:39
C'est un drame plutôt triste et morbide mais joliment mise en image et dans un cadre paysager plutôt inédit. Le récit se base sur un père divorcé qui reçoit son fils en vacances et qui ne trouve rien de mieux que de s'exiler pendant plusieurs mois voire une année sur une île déserte de l'Alaska. C'est clair qu'il y a sans doute mieux comme vacances si on devait choisir une île américaine. Je dirai Hawaï au hasard.
Le récit est assez linéaire. La lecture est agréable et plutôt rapide malgré le grand nombre de pages. Mais encore une fois, il faut supporter ce type d'histoire qu'on n'a pas envie forcément de connaître. A ne surtout pas mettre entre les mains d'une famille séparée avec garde d'enfant.
Moka
Le 05/03/2015 à 22:44:00
Les adaptations littéraires fleurissent dans le monde du 9e Art et autant dire que c’est toujours avec un peu d’appréhension que je les lis, et d’autant plus lorsque j’ai terriblement aimé le livre. La préface signée Fabrice Collin, absolument juste et belle, rappelle combien ce récit ne peut laisser indifférent. Le scénario, particulièrement fidèle au roman reprend avec justesse les temps forts d’une narration à couper le souffle. La sobriété du trait d’Ugo Bienvenu impose des images féroces qu’on ose à peine imaginer au fil de la lecture. Nul besoin de couleurs, les noirs et blancs fixent ce décor de froid et de silence. La nature, d’une beauté terrifiante, quitte son manteau rassurant pour devenir un théâtre à la noirceur innommable. Ajoutez à cela un jeu de clair-obscur délicat et saisissant qui rend compte de toute la grandeur cinglante de l’œuvre de David Vann. Enfin, comment ne pas songer, au fil des pages, à Jon Krakauer, Jack London et tous ceux qui ont pris la plume pour décrire la majesté de cette nature dont ne ne ressort jamais vraiment indemne.
La chronique complète: https://aumilieudeslivres.wordpress.com/2015/03/03/sukkwan-island-david-vann-ugo-bienvenu/