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gon Rustemagik est écrivain reconnu et un psychologue specialiste des serial-killers qui a lui même subi un internement psychiatrique orchestré abusivement par sa compagne. Sort-on parfois indemne de ce genre d'expérience ? Pourtant, Egon doit de nouveau enquêter sur des séries de meutres étranges. Lancée en 1989 aux USA sous la forme de 4 comics, cette histoire franchit 15 ans après l'Atlantique grâce à Delcourt, qui a demandé à Sienkiewicz de raliser une couverture inédite pour l'occasion. L'attente se justifie peut être compte tenu de l'objet, l'éditeur ayant à coup sûr hésité longtemps avant de lancer une tel pavé dans la mare.
L'histoire est à première vue classique, voire alléchante pour l'amateur de polars ou de serial-killers. Elle le sera beaucoup moins pour ceux qui se seront risqués à aller au-délà du premier tiers, puisqu'elle intégre alors des genres divers tels la science fiction et le fantastique. Graphiquement, Stray Toasters n'a pas grand chose à voir avec les BD du genre, ni même avec l'immense majorité de la production disponible. En utilisant toutes les techniques possibles, y compris le collage, Bill Sienkiewicz s'attache à reproduire non pas ce qu'on est censé voir, mais ce que ses personnages perçoivent. Et comme on trouve aussi bien un psychotique alcoolique, une amante névrosée, un avocat masochiste qu'un médecin mégalomane, et même des grilles-pains affublés de troubles obsessionnels, le résultat est tout bonnement ahurissant. Il n'y a pas réellement d'unité visuelle, chaque personnage ayant sa propre façon d'interprêter le monde. Seule des voix off transcrivant les pensées de leur auteurs, qu'on identifie au bout d'un moment grâce à un code de couleurs, permettent de conserver un semblant de linéarité dans le déroulement de l'action.
Dix fois, vingt fois, on est tenté d'abandonner une telle mixture, aussi indigeste que choquante, superbe que fatigante, on se surprend à suivre le fil en tournant une page, attiré par un décor nouveau, ou simplement une case un peu plus classique avec de vrais dialogues.
Comment juger une telle BD, qui plongera un même lecteur tantôt dans la jubilation tantôt dans le dégoût sinon dans le désintérêt, selon son état du moment ? De nombreuses lectures seront nécessaires à ceux qui en auront l'énergie pour se forger une réelle opinion de ce travail immense et déroutant. Ce n'est pas toujours de cette façon qu'on aborde le neuvième art, mais celle-ci en vaut bien une autre.
Les avis
Erik67
Le 29/11/2020 à 03:33:48
Si j'avais commencé la bd par un titre comme celui-ci, je n'aurais sans doute jamais toucher une autre bd. Oui, c'est à se délaisser totalement de cette passion. Fort heureusement, cela n'a pas été le cas. Je crois qu'il y a des titres qui desservent ce noble art. Celui-ci en fait manifestement partie.
Il est difficile d'accès et plutôt brouillon. Quand on commence à lire, on n'a plus qu'une envie, c'est celle d'arrêter et de le mettre à la poubelle. Un gogo peut être attiré comme moi par la belle couverture. ce qu'il y a à l'intérieur peut être totalement différent et c'est là que la déception commence.
Une oeuvre que je qualifierais de très opaque dans un graphisme difficilement décryptable.
Dech
Le 08/12/2004 à 21:17:22
Une BD a lire absolument.
La Bd la plus spéciale qu'il m'ait été donné de lire : des dessins très différents de case en case (avec certains très picturales et d'autres frollant le montage de photos, certaines en noir et blanc et puis la page suivante d'autres avec des couleurs criardes), des personnages très bizarres, une histoire difficile à suivre au premier abord mais en tout cas une narration très originale.
Le style est tellement particulier, qu'il faut parfois plusieurs minutes pour décrypter une page ou un dessin.
En tout cas, ceci colle totalement à l'histoire : noire et fantastique a souhait. Stienkiewicz pour représenter le diable dessine par exemple des formes très brouillone avec des couleurs agressives, ce qui donne un rendu excellent et intelligent.
Que dire de plus, une Bd a lire absolument, qui découragera beaucoup de lecteurs par son la difficulté d'approche de la narration et du dessin , mais qui est d'une originalité débordante et d'une inventivité exceptionnelle.