Résumé: "La puissance des grandes photographies est là, en une image. C'est parfois une caresse, parfois une claque dans la gueule."
Marqué très tôt par les images de Stanley Greene, et notamment ses reportages à l'Est après la chute du mur. JD Morvan raconte la vie d'un photographe majeur, qui reçut notamment cinq prix World Press Photo, le prix W. Eugene Smith, et le Visa d'Or pour l'emsemble de sa carrière au festival de Perpignan. Qu'elles soient en couleur ou noir et blanc, ses images montrent un monde âpre, de la Tchétchénie à la Syrie, qui expriment toute la subjectivité de Stanley Greene face à la violence du monde.
En écho aux photographies, Tristan Fillaire invente, pour son premier album, un style réaliste et expressif qui donne la mesure d'un homme et de son époque.
Après les planches BD, sont présentées 23 photographies/planches contact de Stanley Greene.
9
novembre 1989, Berlin. Un mur tombe. Les Allemands de l’Est s’engouffrent à l’Ouest. Il y a des scènes de liesse, des embrassades et un homme. Stanley Greene. Il entreprend de nager à contre-courant au point de se risquer à poser le pied en RDA (République Démocratique Allemande). De l’autre côté du rideau de fer, il immortalise ce jour. À cette date, le paparazzi de top-modèle sort de sa chrysalide et devient un reporter. Il se transfigure et donne un nouveau sens à sa vie !
Il y a quelques années déjà, Jean-David Morvan témoignait de sa passion pour les photographes à l’agence Magnum Photos. Il évoquait clairement son désir de réaliser des bandes dessinées consacrées à ces aventuriers qui, cachés derrière un appareil, captent et essentialisent tout un conflit en un unique cliché. Répondant favorablement à cette sollicitation, le directeur éditorial de l’entreprise, Clément Saccomani, ouvrait la voie d’une belle collaboration qui a vu naître quatre albums dans la collection Aire libre de la maison Dupuis (Omaha Beach, 6 juin 1944 ; Cartier-Bresson, Allemagne 1945 ; McCurry, NY 11 septembre 2001 ; Mohamed Ali, Kinshasa 1974). Seulement, ce dernier a récemment rejoint l’écurie Noor Image. Un comptoir photographique associatif créé en 2007 par un collectif d’artistes. Une aubaine pour le scénariste, qui songe rapidement à retracer les grandes étapes de la carrière de l’un de ses membres fondateurs. En parallèle, l’éditeur initial, Louis-Antoine Dujardin, est recruté par les éditions Delcourt. Fidèle à l’équipe d’origine, le scribe poursuit donc son travail de popularisation de cet art de l’instantané au sein du premier groupe indépendant de BD francophone.
Éludant la jeunesse de l’envoyé spécial, l’écrivain commence son récit sur une période charnière. Son héros quitte subitement Paris. Il ressent l’appel du large et suit, sans raison apparente, un ami chargé de couvrir les événements de 1989. Autour de cette séquence viennent se greffer des scènes de flash-back et des sauts dans le présent. La succession de plans a-chronologiques permet tantôt d’aborder une rencontre avec un mentor, tantôt de convoquer la fin de vie de son personnage principal. L’ensemble vise à développer un discours sur la motivation de nos actes et leurs conséquences. Néanmoins, les perpétuelles agitations des arcs narratifs peuvent désarçonner. La construction de cet ouvrage, à la linéarité singulière, accentue également l’isolement de Stanley Greene. Au gré des affrontements, il est admis par les autochtones et partage leur repas. Pourtant, au seuil de la mort, il était seul, dépourvu de famille et démunis. L’intéressé a tout de même vécu une vie incroyable. Faisant partie des Black Panthers, il a été l’idole de la scène rock avant de se spécialiser dans le mannequinat. Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, son art redevient un moyen de proclamer ses convictions politiques. Dès lors, il ambitionne de jeter un éclairage sur des guérillas peu médiatiques en Afrique, en Amérique Centrale ou en Asie. Son œuvre est désormais indissociable de la seconde Guerre de Tchétchénie dont il tira un livre, Plaie à vif : Tchétchénie 1994 – 2003, publié par Trolley.
Fraîchement diplômé de l’académie Brassard-Delcourt, le jeune dessinateur Tristan Fillaire produit un album consistant et remarqué. Dans un style semi-réaliste, son trait limpide accompagne subtilement l’histoire. Aucune ombre portée. Peu de noir. Les aplats de couleurs se marient agréablement. De nombreux illustrateurs se sont essayés à l’insert de diapositives. En l’espèce, la tentative ne dénote pas et contribue à fixer le réalisme du propos de la paire d’auteurs. Ce procédé fait irrémédiablement penser à la trilogie d’Emmanuel Guibert, le Photographe. Toutefois, les comparses créent leur sillon en allant jusqu’à reproduire des planches-contact ou en usant de reproductions plus légères, et notamment de belles compositions du mouvement « Art & Music » (comprenez Punk).
Au final, Stanley Greene, une vie à vif est une lecture de salon divertissante qui relate une existence peu commune faîte d’excès et d’engagement.
Les avis
kingtoof
Le 26/08/2020 à 20:08:46
Une biographie du photographe Stanley Greene.
Personnage ayant eu plusieurs vies et qui trouvera "son bonheur", sa liberté en étant photographe de guerre (Tchétchénie, Afghanistan, Liban, Sud Soudan...) ou en étant présent là où les gens souffrent (Nouvelle-Orléans post Katherina, Haïti...).
Un révolté qui a utilisé son art pour lutter contre les puissants.
L'album est très bien conçu avec de nombreux flash-black sur ses différents voyages et ses nombreuses rencontres.