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Central City, une campagne publicitaire particulièrement tapageuse et orchestrée par le Charognard utilise l'image du Spirit en toute illégalité afin de vendre des boîtes de haricots au lard nocives pour les enfants. Alors que la chute d’un météore bleu modifie l’existence d’un jeune musicien, des malfrats dérobent le rocher de Gibraltar, le plus gros diamant du monde. A travers son organisation terroriste, baptisée Octagon, c’est l’entièreté de la ville qu’Octopus menace de détruire. Heureusement pour elle, Central City peut à chaque fois compter sur son protecteur attitré.
Denny Colt, alias Le Spirit, est un justicier masqué créé par Will Eisner en 1940. En ne revêtant qu’un léger masque et un chapeau, ce détective privé dans la vie de tous les jours se distingue de ses collègues super-héros de l’époque. Ressuscité plusieurs fois après la fin du run initial en 1952, ce personnage emblématique de la bande dessinée américaine est relancée par DC en 2006, suite à un cross-over avec Batman, signé Darwyn Cooke et Jeph Loeb (Batman/The Spirit) et couronné d’un … Eisner Award. Ce deuxième tome de Panini regroupe les quatre épisodes suivants (#5 à #8) de la série The Spirit, dont l'un composé de brefs récits de huit pages concoctés par des guest-stars telles que Jimmy Palmiotti, Jordi Bernet, Kyle Baker, Chris Sprouse, Karl Story et Walter Simonson.
Riche de son expérience sur Batman et Catwoman, Darwyn Cooke est idéalement placé pour développer des histoires qui balancent entre le crime noir et le super-héroïsme. Cette relecture du Spirit respecte par ailleurs parfaitement l’esprit insufflé par Will Eisner à la saga et permet au lecteur de découvrir des récits rocambolesques dans une ambiance délicieusement rétro. S’amusant de l’image emblématique du Spirit lors d’une opération de marketing pour boîtes à conserves et n’hésitant pas à placer son élégant justicier dans le rôle de spectateur le temps d’une note de musique, ou au centre d’un plan machiavélique imaginé par Octopus, l’auteur livre des épisodes indépendants qui rendent hommage à l'œuvre d'Eisner. Au fil des pages ce héros sympathique et souriant accumule les aventures trépidantes, les enquêtes saugrenues et les bagarres dénuées de super-pouvoirs, avec une bonne dose humour et d’autodérision. L’auteur profite également de cette réactualisation pour remettre les seconds rôles au goût du jour, en particulier Ebony, dont le profil colle maintenant un peu mieux à cette Amérique qui vient d’élire son premier président noir. L’ennemi juré du Spirit, dont on ne voit jamais le visage, est également au rendez-vous, ainsi que de nombreuses femmes fatales, le commissaire Dolan et sa fille Ellen.
Dans la pure tradition "eisnerienne", Darwyn Cooke intègre le titre «Le Spirit» en double-page dans le décor au début de chaque épisode. Le style du dessinateur fait inévitablement penser aux séries animées d’antan et confère une ambiance rétro qui colle parfaitement à cette époque gérée par le crime et les gangsters. La colorisation très inspirée de Dave Stewart fait également ressortir le côté "âge d’or" de ces brèves histoires, tandis que le découpage très clair offre une grande lisibilité à l’ensemble. A l’exception de Kyle Baker, dont le dessin plus sombre a un peu plus de mal à conserver l’atmosphère old-school et la fraîcheur de la saga, les artistes invités livrent également de l’excellent travail.
Malgré la légèreté et la brièveté de certains épisodes, les amateurs de comics divertissants, sans super-héros, se délecteront des aventures parfaitement rythmées et de la vision respectueuse de l'oeuvre originale que Darwyn Cooke offre à ce héros humain et faillible, qui ne se prend jamais au sérieux. Quoi qu’il advienne, avec la récente adaptation cinématographique du Spirit par l’incontournable Frank Miller (Sin City, 300), la renaissance de ce personnage phare de Will Eisner semble belle et bien assurée.