Résumé: De prime abord, Kurouzu ressemble à une banale petite ville de campagne. Mais, au-delà des apparences moroses, existe un mal profond, terrible et indicible qui plane au-dessus des habitants. Une pression hypnotique, un malaise poisseux qui corrompent les coeurs, les âmes et les esprits de victimes impuissantes.
D
ans la petite ville de Kurouzu, Kirié Goshima vit paisiblement auprès de ses parents et de son petit frère Matsuo. Tout va bien pour la lycéenne, jusqu'à ce que son petit ami, Shuichi Saito lui confie son inquiétude au sujet de son père et de sa drôle d'obsession pour les spirales. Pour le couple, c'est le début d'une succession d'évènements qui changera leur vie à jamais...
Sur dix-huit chapitres initialement parus au Japon en 1998 et 1999 (2000 pour La Galaxie), puis en trois volumes en France, Junji Ito déploie son talent. Le mangaka fait preuve d'un art consommé de la narration, réussissant d'emblée à captiver. Mieux, il fascine en instaurant un climat où la tension et l'inquiétude ne vont que crescendo jusqu'à son final, parfait de simplicité. Entre les deux, il laisse libre cours à une imagination débridée autour de cette spirale qui déclenche des événements de plus en plus improbables, fantastiques et glaçants. Sans débauche d'effets, il parvient à construire des ambiances angoissantes, dérangeantes ou simplement flippantes. De son trait moderne, à peine appuyé par un découpage appliqué, et malgré une réelle densité de textes, il livre un ensemble homogène (même si certaines histoires sont moins percutantes) en maintenant une belle fluidité
Mais là où l'auteur de Gyo (qui connait également les honneurs d'une intégrale) fait fort, c'est qu'il évite la facilité ou l'escalade sanguinolente pour filer des métaphores qui, quasiment vingt ans plus tard, gardent toute leur pertinence. Le besoin d'exister aux yeux des autres, la mise au ban des plus lents dans un monde où tout va toujours plus vite, le narcissisme à son paroxysme, la fascination du créateur pour sa création jusqu'à en être influencé et ne plus pouvoir s'en détourner, les entraves des traditions à l'amour etc. Il va même jusqu'à avancer ce qu'il pressent comme issue : la destruction puis, peut-être, l'éclosion d'un nouveau cycle, en attendant la prochaine Spirale. Avec une acuité surprenante, Junji Ito dresse un portrait de la société japonaise voire du monde capitaliste préoccupant mais terriblement réaliste. Il offre ainsi à sa série une portée qui lui permet de survivre au temps et de rester encore d'actualité aujourd'hui.
Spirale est souvent considéré par les lecteurs comme le chef-d'œuvre de Junji Ito. La réédition de cette intégrale, accompagnée par la lecture éclairante de l'interview du diplomate et écrivain Masaru Satô, est une occasion idéale pour tout fan du neuvième Art de se faire sa propre opinion. Et il y a fort à parier qu'elle rejoindra celle des convaincus.
Les avis
ArvoBlack
Le 07/09/2025 à 23:06:29
"Spirale" est une nouvelle expérience pour moi avec le genre horrifique, je ne m'y suis jamais vraiment confronté dans la bande dessinée. A contrario, je connais plutôt bien les codes de l'épouvante des films d'horreur et c'est sans surprise qu'on retrouve les mêmes codes, plans et aspects dans ce manga. A savoir, tout commence avec des phénomènes paranormaux qui surgissent dans la paisible ville de Kurouzu, une jeune femme Kirié et son ami, Shuichi vont alors partir à la découverte du mystère ; il est évident que nos protagonistes vont voir et subir de belles atrocités, connaitre les affres de la malédiction, jusqu’à voir la mort au pied de leur porte. A la différence d'un film d'horreur, le macabre de la bande dessinée reste un peu plus sur la rétine car l'illustration est figée.
C'est grâce notamment aux détails proposés sur les illustrations que Junji Ito arrive à créer le malaise, avec ces formes de spirale qui suivent le récit sur toute la durée. Un noir et blanc suffisamment profond pour le rendre angoissant. La lumière joue évidemment beaucoup sur le rendu graphique et horrifique, c'est très réussi. Un dessin très qualitatif, des personnages aux paysages et objets, en passant par la fameuse spirale qui réveille une force inconnue et nous surprend à rendre mal à l'aise.
Le problème majeur c'est que je n'ai pas trouvé d’intérêt dans ce récit qui enchaine les histoires autour de la ville maudite avec souvent de nouveaux personnages qui sont présentés tellement rapidement et qui disparaissent aussitôt qu'ils sont venus au cours d'un chapitre qui rend le tout très éphémère. Également, l'histoire, de mal en pis, est prévisible et répétitive, avec une part de fantastique qui ajoute une autre dimension à "Spirale", mais qui se rapproche des classiques connus du genre, cela en devient lourd. En vérité, il y a peu d'excellente œuvre horrifique, la faute à un genre parfois trop cadré/codé.
Sur les 7 chapitres lu de l'intégrale (qui doit correspondre au tome 1 de l'édition originale), il ne s'est pas passé grand chose : quelques morts et cette impression d'être toujours au point mort dans l'avancée du récit. A vrai dire le dernier chapitre lu ("La boite à surprise") propose un personnage qui sort de nulle part, celui-ci meurt écrasé, il se réveille et sort de sa tombe. Cela n'a en soi pas d’intérêt dans la lecture, car si c'est uniquement pour voir du macabre, cela ne m’intéresse pas plus que ça. J'ai du mal à voir la philosophie derrière "Spirale" malgré la finesse du dessin. A voir pour lire une prochaine œuvre de Junji Ito plus convenable scénaristiquement.
Le post-face dans l'intégrale de 2021 de Masaru Satô est apprécié, il permet de comprendre plus en profondeur le sens de cette spirale et l'analogie qui peut lui être faite, mais cela ne révolutionne pas non plus ma lecture, car le genre "épouvante-horreur" parasite trop l'essence de l'histoire.
kingtoof
Le 14/06/2023 à 19:50:44
Je me suis lancé dans Spirale en suivant les conseils du mangaka Gégé créateur de Jusutsu Kaisen.
Les prémices de l'histoire sont très lovecraftiens et m'ont beaucoup plus.
Mais certains tomes m'ont semblé trop "absurdes", manquant de finesse et me faisant penser à du Creep Show.
L'histoire dans sa globalité est une aventure terriblement originale, une vrai descente dans l'horreur !