Info édition : Dos toilé - Première édition à 2.000 exemplaires.
Résumé: « Sorties de Route » est un huis-clos à ciel ouvert planté en bord de route, au coeur du quotidien de Lindley, propriétaire d’une baraque à frites.
Au-delà de sa fonction de vendeur de sandwiches pour vacanciers de passage - et indigènes récurrents – Lindley observe en silence, flâne, il rêve aussi.
Un passé douloureux s’immisce dans les failles de son temps libre, une rupture amoureuse l’a mis en fuite et depuis il navigue à vue, à bord de son camion.
La routine de Lindley bascule quand un automobiliste percute un platane à quelques mètres seulement de son camion, il y trouve la mort.
Peu après un bouquet de fleurs est déposé au pied de l’arbre, bouquet qui sera renouvelé par la suite, chaque fois sa dernière fleur fanée.
Et le bouquet va refermer une à une les fenêtres d’évasion de Lindley, pour l’amener à se confronter à la réalité.
C’est-à-dire à lui-même.
Q
u’est ce qui a bien pu pousser Lindsay à venir poser ses valises, ou plutôt sa baraque à frites, sur le bord d’une route bordée de platanes ? La radio diffuse un fond sonore fait de soupe et d’informations politiquement cadrées, les premiers clients arrivent, certains accèderont au rang d’habitués, des discussions de passage s’initient, des bribes de conversation se perdent aux heures de pointe. Un jour, un accident…
Cyrille Pomès est un auteur qui semble prendre son temps. Chacune de ses bandes dessinées marque clairement une évolution graphique et des intentions qui diffèrent quant au contenu. Sa première, À la lettre près (exposition), était prometteuse, voire mieux, tout simplement réussie. Celle qui a suivi, Chemin de fer, était servie par un dessin qui s’approchait du cubisme ; l’accueil avait été plus mitigé. Avec Sorties de route, il adopte un style résolument réaliste, tout en revenant au trait charbonneux et à une mise en couleurs dans des teintes pâles qui caractérisaient À la lettre près. Le rendu ne manque pas de charme, même s’il ne sert pas toujours la narration.
Cet album fonctionne pour ainsi dire tout du long sur une opposition entre la légèreté de ce qui vivote autour de Lindsay et le poids que ce dernier semble porter en lui. La légèreté, ce sont les échanges au-dessus du comptoir, les portions de phrases qui proviennent des tables et les fragments de sons, de voix qui s’échappent de la radio. Beaucoup de choses s’y côtoient dans un joyeux tumulte, parfois incongru, orchestré non sans malice par l’auteur. Lindsay est-il réellement à l’écoute ? Ça ne s’impose en tout cas pas comme une évidence, tant il parait hanté par d’autres tourments, notamment quand il se retrouve seul, la nuit. Vers la moitié du livre, un événement vient casser la tranquille routine qui s’était installée. Cassure éphémère pour tout dire. À partir de ce basculement, qui n’en constitue pas vraiment un, le récit s’emmêle sans jamais parvenir à trouver le bon chemin pour expliquer Lindsay. Ce flou se révèle pour le moins déconcertant dans le cas présent, les rares perches tendues au lecteur ne menant pas à grand-chose de concret, comme si l’auteur n’était pas parvenu à réellement faire passer tous les éléments de son histoire.
Livre d’ambiance et d’atmosphère, Sorties de route laisse un goût d’histoire achevée, mais incomplète, ce qui est d’autant plus frustrant que tout était bien en place à mi-parcours.