Résumé: Qui étaient les sorcières ? À travers le récit de « coupables » emblématiques - la guérisseuse, la paysanne, la magicienne, la femme âgée ou indépendante -, se révèle l'histoire d'une misogynie millénaire et d'un système patriarcal renforcé par l'émergence du capitalisme. Aujourd'hui, c'est pour se réapproprier leur puissance que des féministes réhabilitent ces figures émancipatrices.
B
oussarde, Théodora, Yolanda et Ermentrude profitent de la vie en vivant de leur science et de leurs savoirs dont elles font profiter la communauté. Rieuses, elles perdent pourtant vite le sourire lorsque Jacob Sprenger et Henri Institoris débarquent dans leur campagne prôner leur Malleus Maleficarum et jouer les inquisiteurs. Avec cette aliénation méthodique des femmes, c'est un règne de terreur et d'injustice qui débute. Il dure depuis près de 650 ans...
Les sorcières reviennent à la mode. De Hermione à Baba Yaga en passant par Samantha-Elizabeth Montgomery, celle de la rue Mouffetard ou des films Disney, elles accompagnent l'imaginaire collectif depuis la plus tendre enfance. De nos jours, des livres, des articles, des émissions reprennent cette figure pour mieux en décortiquer les origines. Comment sont-elles apparues ? Qui étaient-elles ? Que leur était-il reproché ? Dans quelle mesure l'appropriation récente de ce mythe par certaines féministes témoignent d'une volonté de rétablir la vérité ?
Juliette Ihler et Singeon se sont emparés du sujet pour déconstruire les idées reçues et remettre dans son contexte cette incroyable diabolisation. En suivant, quelques temps, le parcours de ses quatre héroïnes la journaliste-scénariste explique comment sous couvert d'un combat face à des puissances obscures, une partie du clergé, avec l'aval du Pape Innocent VIII, a mené une véritable traque en Europe et notamment dans les régions germaniques. En s'appuyant sur des faits historiques, elle met en lumière comment, la peur, la méconnaissance mais surtout la volonté de pas voir des savoirs leur échapper ont conduit ces inquisiteurs à encourager la délation pour mieux martyriser toute une partie de la population. En s'appuyant sur leur livre, Maellus Maleficarum, ils fournissent aux bien-pensants un mode d'emploi pour identifier les sorcières et les juger ou plutôt les condamner quoiqu'il arrive. Ces procès, particulièrement effarants de stupidité, démontrent à quel point la bêtise et l'aveuglement peuvent déboucher sur une parodie de justice dans laquelle ni le bon sens ni l'équité n'ont de place.
Tout au long des cent trente-quatre planches, l'évidence de l'injustice de cette chasse aux sorcières fait froid dans le dos. La douceur des tons pastels contraste avec la violence des actes décrits. Alternant les pages informatives, avec le chat - personnage iconique de la sorcellerie - comme narrateur et les séquences plus classiques, le dessinateur de Tristan et Yseult accompagne le propos sans débauche d'effets. S'il varie son découpage ou s'autorise quelques pages à la mise en scène joliment fantaisiste, il n'a pas besoin de trop en faire pour accentuer ce qui est raconté. L'exposé, même s'il perd de sa force en proposant de trop nombreux renvois qui hachent la lecture, précise ce qui fera les bases de toute une imagerie et d'un vocabulaire encore très présents aujourd'hui. Mieux, il dénonce cette ségrégation arbitraire et idiote comme ses fondements et ses conséquences.
Extrêmement documenté Sorcières disent-ils manque tout de même de fluidité pour convaincre pleinement. Mais ce (léger) défaut ne doit pas faire perdre de vue la justesse du propos et sa pertinence. Surtout à l'heure actuelle.
Les avis
Erik67
Le 25/01/2022 à 09:28:08
Voici une BD qui va intéresser aux sorcières. Ce ne sont pas les êtres imaginaires tout droit sorti d'un conte de fée à la Blanche-Neige et les sept nains.
Non, il y a encore 2-3 siècles, c'étaient des femmes plutôt méritantes et compétentes qui ont été massacré au nom d'une société patriarcale qui s'est d'ailleurs servie de l’Église. Il s'agissait de les éradiquer comme un génocide qui ne laisse pas de traces dans les statistiques.
Les ligues féministes se sont emparées de ce phénomène afin de le dénoncer publiquement d'où cette BD. La sorcière est devenue une figure, un symbole de leur persécution par les hommes avides de pouvoir et qui ne voulaient pas reconnaître la place de la femme dans la société. Sorcières ! disent-ils est le titre. Il s'agit de justifier de leur caractère démoniaque afin de les exterminer au nom de la foi. Facile comme procédé d'élimination.
Ces femmes étaient sans doute des personnes trop actives, trop puissantes et trop libres. On va voir différents exemples : des voyantes, des guérisseuses, des bûcheronnes etc...
Bref, tout une thèse pour indiquer que les sorcières ont été les premières féministes de l'Histoire. La magie était considérée comme hérétique et par conséquent un crime grave contre Dieu et l’état. Savoir et pouvoir doivent rester aux mains des hommes.
A noter que ces exactions ont eu lieu vers la fin du Moyen-Age et surtout à la Renaissance, le fameux siècle des lumières marqué par un obscurantisme sans nom.
Bon, on va avoir droit à des réflexions du style que seuls le vieillissement des hommes est valorisé et que ces hommes s'en donnent à cœur joie avec de jeunes filles sans défense et peu sûr d'elles.
Maintenant, les auteurs vont encore plus loin en indiquant que c'est le capitalisme naissant qui est une des causes de cette chasse aux sorcières et que le féodalisme malgré son caractère rigide et autoritaire avait du bon. Permettez-moi de ne pas être en accord avec cette argumentation et ces conclusions. Cependant, je respecte cette position prise par les auteurs qui ont le droit de pouvoir exposer leur position. Ce n'est pas pour cela que je jugerai mal cette BD tout à fait honorable dans son exposé.
La conclusion de cette œuvre est de se défaire du conte de fée où la princesse est passive alors que la vieille sorcière est peut-être laide mais elle est détentrice de connaissances qui la rendent autonomes. C'est le vrai pouvoir des femmes. Je terminerai par ces mots : « sorcière un jour, sorcière toujours ! ».