Résumé: Yato Tsurumi, professeur d'art, a perdu sa femme il y a deux mois, emportée par une crue avec leur maison... Il passe depuis toutes ses journées à broyer du noir, son aptitude à voir les lieux disparus n'arrangeant rien. Sa rencontre avec Ima Hayabuchi, une élève submergée par sa capacité à entendre le "son des morts" depuis qu'elle a perdu son père, va bouleverser son quotidien.
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rappé brutalement par le deuil, Yato Tsurumi surnage péniblement. Depuis que son épouse, Kako, a disparu dans une crue, il perçoit du coin de l’œil des images rémanentes d’endroits qui ne sont plus. L’arrivée dans son cours d’Ima Hayabuchi, une nouvelle élève au comportement étrange, le contrarie dans un premier temps. Puis, il découvre que la collégienne possède la faculté d’entendre les défunts. Ce don suscite en Tsurumi un fol espoir et conduit Kari, un de ses étudiants, à affronter la disparition tragique d’un condisciple.
Après Kasane, la voleuse de visage (titre achevé en quinze volumes) et La danse du soleil et de la lune (quatre tomes parus en français pour le moment) édités par Ki-oon, c’est au tour d’un one-shot de Daruma Matsuura d’être proposé aux mangaphiles par Delcourt-Tonkam.
En cent-quatre-vingt-dix pages, Le son des morts traite de la problématique de la perte d’un proche et du deuil qui en découle, à travers les vécus singuliers de deux êtres, un adulte et une préadolescente. Les ressentis du duo de protagonistes sont mis en avant avec justesse et donnent à voir les réactions plausibles correspondant à ces deux catégories d’âge. Ainsi, sans verser dans le pathos, la douleur du professeur veuf est palpable, de même que son envie de se laisser couler. De même, la peur très vive d’Ima – qui fuit une réalité traumatisante - se révèle convaincante. À ce fil principal déjà intéressant se greffe une sous-intrigue évoquant le suicide et interroge les motifs du passage à l’acte. Ce second récit imbriqué évoque le mal-être, la détresse, le manque d’estime de soi, ainsi que l’importance du soutien reçu ou non par l’entourage. La comparaison entre les trajectoires de Kari et de son pote Shota passe par des retours en arrière éclairant leurs relations et la divergence de leurs situations respectives. Une note d’espérance conclut l’histoire, soulignant que la vie se poursuit en acceptant la mort. Enfin, la narration, fluide, est portée par le trait réaliste et expressif de l’autrice qui restitue au mieux les états émotionnels de ses personnages, notamment cette impression de vide habitant l’endeuillé.
Manga de bonne facture, Le son des morts confirme le talent de Daruma Matsuura pour raconter des histoires sensibles sans en faire trop.