Info édition : Avec 8 pages en couleur et une jaquette illustrée.
Préface de Jean ''Moebius'' Giraud.
Postface de Jiro Taniguchi
Résumé: Hikosaburô et Manzô, deux samouraïs exilés aux Etats-Unis depuis la restauration de Meij (1868), vivent de leur chasse sur le territoire des Indiens Crow.
Un jour, Hikosaburô porte secours à une Indienne, Running Deer, poursuivie par des chasseurs de prime. Ils sont sauvés in extremis par un groupe de guerriers Oglagla conduits par Crazy Horse. Le chef indien, fasciné par la technique de combat des deux samouraïs, les invite à rejoindre son campement pour enseigner le ju-jitsu à ses hommes. Une profonde amitié va alors naître entre eux.
Devenus Sky Hawk et Winds Wolf, les deux samouraïs vont lutter aux côtés des Indiens contre les hommes blancs venus à la conquête de l’Ouest. La bataille pour sauver leur terre sacrée des Black Hills s’annonce terrible, mais ces valeureux guerriers sont bien décidés à lutter jusqu’au bout.
Avec SKY HAWK, Jirô Taniguchi nous livre un western fascinant où bushidô japonais et code d’honneur indien se retrouvent autour des mêmes valeurs. Les décors du far-west américain et le style épuré de l’auteur servent à merveille l’histoire d’une amitié improbable.
S
amouraïs exilés aux Etats-Unis d'Amérique depuis la défaite de leur clan durant la guerre civile ayant précédé l’avènement de l’ère Meiji, Hikosaburô et Manzô tentent de survivre dans les bois après une déplorable expérience comme orpailleurs. Cherchant leur voie, ils la trouvent soudain en venant au secours de Running Deer qui, poursuivie par des chasseurs de prime, est en train d'accoucher. Alors qu’ils combattent les brutes épaisses venus récupérer la jeune indienne, les deux hommes reçoivent l’aide inespérée d'une bande de guerriers sioux conduite par Crazy Horse. Impressionné par les techniques des Japonais, le chef des Oglalas les invite dans son campement. Là, Hikosaburô et Manzô s’intègrent petit à petit et deviennent bientôt Sky Hawk et Winds Wolf. Mais les pionniers accompagnés des « Tuniques Bleues » progressent toujours plus vers l’Ouest, chassant les peuplades autochtones et tentant de les parquer dans des réserves. Le conflit est inévitable et les samouraïs entrent en lutte contre l’envahisseur blanc aux côtés de Crazy Horse et des Peaux Rouges, prêts à en découdre avec l'envoyé de Washington, le colonel Custer, afin de protéger leur terre sacrée…
Le Far West, sa ruée vers l’or, ses cowboys, ses desesperados, ses Indiens, sont, a priori, bien éloignés du Japon, du bushido et de ses samouraïs pratiquant le sabre, l’arc et le ju-jitsu. Pourtant, Jirô Taniguchi (Quartier Lointain, Le journal de mon père, Mon année, La montagne magique, Le sommet des dieux, etc.) les a associés, de façon réussie, dans Sky Hawk, véritable fresque rappelant les nombreux westerns d’un John Ford ou d’un Sergio Leone, mais aussi plusieurs séries BD dont l’auteur dit s’être inspiré, à commencer par Blueberry et Comanche.
Partant du fait avéré qu’une troupe de bushi défaits avait gagné les États-Unis pour faire fortune, juste après les débuts de l’ère Meiji (1868), le mangaka livre un récit où la petite histoire rejoint la grande. Pour cela, il met en scène deux guerriers au grand cœur et à la morale inébranlable, et leur fait côtoyer quelques grandes figures de la guerre entre clans amérindiens et pionniers lors de la conquête de l’Ouest américain : Crazy Horse d’abord, puis Sitting Bull ainsi que Custer et Grant. Au fil des pages, Taniguchi décrit le combat sans merci que se livrent les forces en présence, sans omettre aucun des méfaits des envahisseurs : destruction massive des troupeaux de bisons, raids sanguinaires sur les campements indiens, déploiement des militaires pour assurer l’installation de rails et le passage des trains, tentatives d’abrutissement par l’alcool. Pour atténuer quelque peu le caractère un peu trop manichéen du propos, il n’oublie pas de montrer également ces Peaux-Rouges qui ont choisi de déposer les armes et de passer dans les rangs des Blancs, en campant quelques Crows servant d’éclaireurs et de guides aux « Tuniques Bleues », tout en conservant certains traits de leurs cultures. Ainsi, c’est en combattant ces Indiens passés à l’ennemi que Manzô et Hikosaburô gagnent leur titre de guerriers oglalas. Le drame de la course vers l’Ouest et de la réduction des peuples installés sur les territoires traversés donne immédiatement le ton du récit. Il ne peut qu’être tragique, empreint d’une mélancolie puissante et d’un constat amer, aussi brillante et pugnace qu’ait été la résistance. Le verbe de l’auteur retransmet toute cette amertume et cette nostalgie avec force et emporte le lecteur dans un épisode chamarré autant que cruel. Par ailleurs, c’est aussi la lutte déséquilibrée entre tradition et modernité qui est décrite et cristallisée dans la bataille de Little Big Horn, dont l’intensité est bien rendue par le mangaka.
Enfin, le trait de Taniguchi accompagne magnifiquement cette histoire poignante, dont on sait trop bien comment elle finira. Comme dans Seton, il livre de belles planches bien détaillées et aux paysages travaillés, permettant de se fondre tout de suite dans l’environnement de l’intrigue. La plupart des scènes de combats sont réussies et il est difficile de résister au déferlement des chevaux, au claquement des balles et aux sifflements des flèches, tandis que les dessins des campements, des vastes plaines et de la vie quotidienne forment autant de tableaux apaisants. Cependant, il faut bien reprocher au mangaka la quasi absence de différenciation morphologique des différents partis. En effet, hormis les vêtements et le style des coiffures, rien ne différencie vraiment les Indiens, des Japonais ou des Blancs et, dans un premier temps, cela peut s’avérer un peu perturbant.
Comparable à un Danse avec les loups à la sauce nippone, Sky Hawk est un one-shot touchant et retransmettant bien ce qu’a été l’un des épisodes les plus sombres de l’épopée du Far West.
Les avis
Erik67
Le 25/11/2020 à 15:38:36
On ne présente plus Taniguchi. Sa biographie est déjà assez fournie avec quelques beaux chefs d’œuvre. L’originalité de cette bd tient au fait que l’auteur s’essaye au genre du western en revisitant l’histoire de la conquête de l’Ouest. Cette fameuse conquête est passée malheureusement par le massacre des tribus indiennes. Les dernières résistent farouchement autour du lieu sacré des montagnes de la région des Black Hill. L’auteur s’inspire directement des films Little Big Man ainsi que Danse avec les loups.
Maintenant, j’ai plusieurs reproches à faire à cet one shot malgré d’indéniables qualités graphiques et narratives. Les deux héros, anciens samouraïs, sont totalement interchangeables et hermétiques. On ne saurait les distinguer. Ils traversent littéralement cette histoire sans laisser véritablement leur marque. On se demande d’ailleurs pourquoi l’auteur a choisi son titre en fonction du nom indien de l’un et pas de l’autre. Il n’y a pas de véritable émotion qui passe à travers leurs personnages beaucoup trop héroïques et lisses pour être véridiques.
Je n’ai pas aimé cette façon de se rattacher à la grande Histoire pour présenter d’obscurs samouraïs japonais comme les tombeurs du fameux général Custer. Ce n’est pas rendre hommage aux indiens. En gros, on nous explique que c’est grâce à des samouraïs japonais de l’ère d'Edo que les derniers résistants indiens ont été aussi coriaces. La pilule est beaucoup trop grosse à avaler.
Pour le reste, ce fut une lecture agréable avec de magnifiques paysages de l’Ouest à contempler. Il manque une véritable saveur qui aurait fait la différence. La lecture par exemple de Martha Jane Cannary a été beaucoup plus instructive. Visiblement, l’auteur semble avoir pris goût au genre puisqu’il indique en postface qu’il aimerait bien refaire un western. Espérons qu’il soit beaucoup plus inspiré ou du moins original.
Hugui
Le 27/12/2009 à 20:14:02
Un western dont les héros sont des samouraïs défais au Japon et adoptés par les indiens luttant pour la survie de leur mode de vie face à l'envahissement des colons blancs. Fiction ancrée dans la réalité historique du génocide indien avec la sensibilité humaniste de Taniguchi et sa magnifique mise en scène. Dommage qu'il n'ait pas continué les couleurs comme dans les premières planches qui sont magnifiques. Beaucoup de scènes de combat quelquefois un peu confuses. Mais que ces quelques réserves ne vous empêchent pas de lire cette très bonne histoire superbement dessinée.
A ne pas manquer.
poltuiu
Le 12/12/2009 à 15:14:36
Dire qu'un album de Jiro Taniguchi est excellent est d'une banalité affligeante. Force est pourtant de constater que Sky Hawk s'inscrit complètement dans le reste de la production du maître nippon : excellent. Une originalité de cette histoire est le choix de réaliser un western-japonais, entendre par là une histoire se déroulant dans l'ouest des États-Unis durant la fin du 19e siècle, mais dont les personnages principaux sont deux samourais immigrants.
Taniguchi conserve un peu le même principe que pour "Le sommet des dieux" par exemple : il superpose des faits et lieux réels à ceux qu'il créé. Le résultat est une fresque semi-réaliste et très prenante. Tout au plus ai-je deux minuscules bémols à cette bande-dessinée : j'ai trouvé étrange que tout le monde parvienne à se parler sans, manifestement, de barrières de langues et les deux protagonistes de l'histoire ont pratiquement le statut de super-héros. Ce n'est gênant que pour ceux qui auront une lecture réaliste/historique de l'histoire.
Au final une petite merveille que je conseille à tous.