Résumé: « Mieux vaut brûler intensément que s'éteindre à petit feu » Tazane est une véritable icône rock. Passionné, arrogant, égoïste, parfois violent, le chanteur accumule les polémiques. Mais le public qui ladule et les médias quil fascine nattendent en réalité quune seule chose : son prochain coup déclat Ce goût du scandale, Tazane la cultivé, il en a fait un art. À tel point que, petit à petit, il va aller de plus en plus loin, jusquà commettre lirréparable, et sengouffrer dans une redoutable spirale autodestructrice.Après le très remarqué Le Bleu est une couleur chaude, Julie Maroh revient sur le devant de la scène avec un nouveau roman graphique sur lâme torturée dun jeune artiste provocateur et flamboyant. Une réflexion puissante sur notre société et son rapport aux interdits.
A
dulé par les fans, courtisé par les médias, Tazane est une icône pour la jeunesse de France, une rock-star retentissante. Narcissique, imprévisible, son comportement outrancier déchaîne les passions entre encenseurs et détracteurs autour de sa personnalité. Mais, parce que ces esclandres à répétition tissent sa légende, flattent son ego, charment ses groupies, le chanteur charismatique se transforme peu à peu en tyran incontrôlable, repoussant sans cesse ses limites, pris au piège d’une spirale irréfrénable de turpitudes et d’excès. Jusqu’au dérapage de trop. Skandalon, étymologiquement, c’est la pierre d’achoppement, le piège qui fait chanceler. C’est la faute qui fait vaciller le héros et, par analogie, le scandale suscité par celui-ci qui rejaillit sur la société.
Empruntant les traits de caractère de musiciens idolâtrés – d’aucuns penseront à Jim Morrison, Bertrand Cantat, voire Claude François –, l’auteure expose un type détestable, la caricature du sale gosse porté aux nues par des fans serviles et des journaux pousse-au-crime. Artistes veules, médias hypocrites, public prosterné, c'est une critique sans fard du star-système, pourtant, il est difficile de ressentir la moindre empathie envers ce personnage, même quand il trébuche, puis sombre… Le lecteur assiste froidement à sa perdition et fait peu de cas de sa rédemption, et cette froideur en est presque douloureuse : rien pour se raccrocher, émotionnellement parlant. Et il n’est pas sûr que cet inconfort soit volontaire. Car si le propos – tel qu’il est affiché dans la postface – est bien le mimétisme social, la mise en lumière des processus d’identification qui élèvent ces idoles factices livrées à l’adoration des foules, ne laisser aucune place à un tel mécanisme envers son personnage, de la part de la bédéaste, paraît un peu dommageable. D’autant que certains passages sont assez démonstratifs, certains dialogues appuyés, là où la mise en images absolument remarquable se passerait aisément de mots.
L’évolution graphique de Julie Maroh est plus que sensible, elle adopte ici un trait charbonneux, gras, et des contours épais cernant des aplats vivement colorés, s’approchant du travail d’un Pellejero. Mais la juxtaposition de multiples touches vibrantes en couleurs directes, à l’acrylique, donne un rendu atmosphérique presque palpable, lorgnant du côté des recherches picturales des années 1900, celles d’un Picasso période bleue, celles des expérimentations fauvistes… Ce qui sied parfaitement au héros, au demeurant, tant son faciès est léonin. Prédateur, solitaire, solaire, sauvage, oui, c’est bien d’un lion dont on fait ici le portrait. D’ailleurs, ces visages, cette manière particulière de traiter les yeux, d’étirer les bouches, font que la patte de la dessinatrice se fait reconnaissable pour les admirateurs de son album précédent. Le découpage des planches en deux, trois strips seulement, donne du dynamisme aux scènes, de la fluidité à la lecture et démontre une belle maîtrise du métier et de la gestion du rythme narratif. Et pour être franc, esthétiquement, c’est très beau, tout simplement.
Après l’hystérie médiatique qui a suivi la consécration cannoise de l’adaptation du Bleu est une couleur chaude, retrouver sa créatrice en train de décortiquer les phénomènes de starification se révèle assez savoureux. Il ressort cependant de cette œuvre une impression duale, entre la certitude du statut d’auteur à suivre, atteint par Julie Maroh, et la sensation qu’il manque peu de choses dans le traitement de cet album pour pouvoir être véritablement happé par son propos.
La preview
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 19:27:40
J'ai apprécié le récit de Julie Maroh sur un sujet aussi difficile. Elle a osé montrer la vie d'une icône de rock que tout le monde ou presque adule. En réalité, c'est un vrai démon d'égoïsme qui fait du mal à son entourage. On reconnaîtra sans doute le chanteur de Noir Désir dont la vie privée s'est étalée dans tous les journaux et qui n'en reste pas moins détestable. Ce n'est pas sa vie qui est décrite au risque d'un procès mais la démarche reste la même: les Tazanes se ressemblent malheureusement !
Skandalon explore le monde des scandales et va jusqu'au bout de la logique. On assiste à une véritable descente aux enfers avec cette spirale auto-destructrice. Julie Maroh avait su me captiver avec sa précédente oeuvre d'une maturité hors norme à savoir Le Bleu est une couleur chaude. La voilà qui réitère avec un peu moins de succès en ce qui concerne son graphisme. La différence est perceptible. Je pense que la technique et la couleur rouge de l'album ont favorisé un trait plus gras et moins élégant.
Au final, c'est un essai plutôt réussi sur la notion "d'interdit". On sait quelles sont les limites à ne jamais franchir.
Moka
Le 12/05/2014 à 21:29:10
Qu’on se le dise toutefois, cet album divisera les lecteurs : ceux qui cèderont à l’aura impalpable de Tazane, se laissant charmer par son charisme de mauvais garçon cocaïné, et ceux qui vomiront cet être de scandale à l’odieuse insolence. A vous de faire votre choix…
http://aumilieudeslivres.wordpress.com/2013/10/07/skandalon-julie-maroh/
Cooltrane
Le 08/11/2013 à 18:38:44
Deuxième album de Julie Maroh. Après l'insoutenable arrache-larmes de Bleu, Skandalon affiche un dessin assez différent. C'était le point fort de sa première œuvre, et c'est encore le cas pour sa deuxième œuvre. Perso il me semble évident que Julie devrait se trouver un scénariste et se concentrer sur ses crayons et pinceaux.
Ressemblant à mi-chemin entre Jim Morrison et ses Doors et Bertrand Cantat et son Noir Désir, le caractère principal devient un odieux personnage, imbu de lui-même; il est clair que Maroh s'est basé sur ces deux rock star pour construire son histoire, mais pour finir c'est ultra-convenu comme scénario.
Hugui
Le 03/11/2013 à 16:37:53
Les dessins et la mise en page sont une vraie réussite, le récit se comprend sans presque de paroles, c'est une très belle bande dessinée. Dommage que la déchéance de ce chanteur adulé ne nous touche pas, aucune explication ne permet de comprendre sa révolte et son auto-destruction, et le texte philosophique de la fin ne nous éclaire pas vraiment.
Une mise en scène réussi mais un propos inabouti.