Le 25/09/2023 à 11:57:50
On connaissait l’autrice Théa Rojzman par son scénario délirant et faussement naïf de « Dominos », album dessiné par Abdel de Bruxelles. Ici c’est dans un tout autre registre qu’elle nous livre « Scum la tragédie Solanas », un one shot biographique, dont Bernardo Muñoz s’est chargé du dessin. « Scum » est l’acronyme de « Society for cutting up men », un pamphlet féministe violent préconisant l’éradication des hommes, écrit en 1967 par une certaine Virginie Solanas. La bande dessinée relate la vie de cette autrice d’un seul ouvrage et d’une seule pièce de théâtre… Une femme à la dérive qui n’aurait jamais accédé à la postérité si elle n’avait tenté de tuer l’artiste Andy Warhol en juin 1968. Cet acte dément et paranoïaque lui permit d’étaler ses théories misandres dans les médias et donna un retentissement public à son manifeste « Scum », jusque-là vendu de la main à la main dans les rues new-yorkaises. Le portrait est subtil dans la mesure où l’on s’interroge du début à la fin sur la part schizophrénique conduisant les agissements de Solanas tout au long d’une existence désastreuse, et celle, non négligeable, des conditions pénibles et défavorables dans lesquelles elle évolue et qui la rendent victime des circonstances. Le dessin de Muños rend bien l’atmosphère débridée de l’époque des années 1960 et 70, et Théa Rojzman nous offre une introspection dans la conscience de Solanas grâce à un dialogue surréaliste avec le rat apprivoisé de celle-ci. Du coup « Scum » fut réédité en même temps que sortit la bande dessinée. Le manifeste est assez court, et pour ma part impossible à prendre au sérieux tant les propos virulents versent dans la caricature, dont on ne sait trop s’il faut les prendre au premier ou au troisième degré. « Scum » est le cri de rage d’une femme profondément blessée, et je ne le prends pas autrement. Tout au plus le manifeste aurait fait un bon scénario de bande dessinée sadomasochiste où les hommes se voient exterminés ou émasculés par un ordre nouveau féminin. Le seul intérêt historique, je dirais, est qu’il préfigure le féminisme radical qui a fini par se répandre dans les courants féministes actuels, en imputant de manière assez idéologique tous les travers des sociétés modernes au sexe masculin. Voici en tout cas une BD qui fait un bon sujet de conversation !BDGest 2014 - Tous droits réservés