Résumé: "Je savais qu'une fois ces grilles franchies, ma trompette ne pourrait plus rien pour moi."
C'est l'époque où le jazz rugit des cabarets de La Nouvelle-Orléans.
Où les gamins des rues gagnent leur croûte avec des instruments rafistolés.
Où prosituées et tenanciers crapuleux remplissent le paysage.
Et où jouer du pistolet est aussi fréquent que jouer du cornet.
Satchmo, jeune garçon impétueux et passionné, a choisi le cornet.
Mais est-ce vraiment un chemin possible vers la liberté ?
E
n descendant du toit du club dans lequel le grand King Joe et son band jouent, Satchmo va, comme à son habitude, discuter avec son idole. Mais ce soir n'est pas un soir comme les autres. Le trompettiste offre son premier « cornet » au gamin, qui n'en croit pas ses yeux et court l'annoncer à ses amis. Avec ça c'est sûr, ils vont en mettre pleins les oreilles au public lors de leurs spectacles dans les rues de la Nouvelle-Orléans. Et peut-être qu'avec un peu de chance, il se fera remarquer et gagnera assez pour offrir à sa mère la vie qu'elle mérite...
Difficile de ne pas penser à Louis Armstrong en découvrant l'album de Léo Heitz. Même époque, même ville, la trompette, King Joe (Oliver) et une vie rude entre le jazz et la rue. D'ailleurs, l'auteur l'admet bien volontiers, même s'il a imaginé son histoire avant de connaître la vie de l'immense musicien, il a pioché des détails de sa biographie pour enrichir son récit et bien lui en a pris.
En plus d'opter pour un anthropomorphisme (qui fait penser à un mélange entre Jano et Edmond-François Calvo ou rappelle les débuts de Walt Disney) qui donne une réelle force à ses bas fonds aux ambiances pauvres et poisseuses, l'artiste choisit une bichromie qui accentue encore l'impression d'impasse. Cette contradiction entre le fond et la forme est seulement relevée par des touches de rouge, lorsque le sang coule... Car le jeune Satchmo, même s'il est guidé par l'amour qu'il porte à sa mère, va devoir s'accrocher à la musique et au jazz en particulier pour s'extirper de son quotidien violent.
En même temps qu'il découvre les dessous de l'industrie du disque avec le racisme dont les Afro-Américains sont victimes, le lectorat plonge dans ces soirées embuées où les filles n'osent pas quitter leur souteneur, la police est peu regardantes et dans laquelle la mafia italienne commence à émerger. Avec beaucoup de savoir-faire, Léo Heitz alterne les séquences nerveuses et les réflexions intimistes de son héros. Ces respirations, aussi bien que le trait rond et dynamique de l'artiste, donnent un vrai rythme aux cent-soixante-seize planches. Celles-ci se lisent d’ailleurs avec fluidité - même si certaines séquences sont moins lisibles - jusqu'au dénouement, tragique, évidemment.
Avec Satchmo, Léo Heitz réussit son entrée dans le neuvième art. Même s'il possède quelques (légers) défauts de jeunesse, ce premier album attirera l'attention bien au-delà des amateurs de jazz ou des souris.
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Les avis
Erik67
Le 13/04/2023 à 08:20:41
Le cadre est celui du milieu du jazz dans les cabarets de la Nouvelle-Orléans. Le fils d'une prostituée va faire une rencontre qui va changer sa vie : celle de la musique au travers un instrument à savoir la trompette.
Il est en quête de liberté dans une Amérique ségrégationniste. Il va devoir affronter des épreuves difficiles entre la pauvreté, le racisme et le destin. On a véritablement de la peine pour ce jeune garçon qui tente de sortir sa mère du fond du trou.
C'est encore une BD qui utilise l'anthropomorphisme pour représenter des êtres humains de couleur noir. Fort heureusement, cela se fera dans la subtilité quant au choix des animaux.
Je n'ai pas trop aimé le trait graphique que je trouve trop diffus et pas assez précis. Cela donne tout de même un aspect qui rappelle les premiers dessins animés de Walt Disney des années 30 avec Mickey.
Au passage, il y aura la rencontre de notre petit héros avec Joe Oliver, dit « King », qui était un célèbre cornettiste et compositeur américain de jazz, fondateur et chef d'orchestre du Créole Jazz Band.
On s’aperçoit que des groupes de musiciens blancs interprétant du jazz reproduisaient des sons entendues dans ces cabarets pour en faire des disques vendus à des milliers d'exemplaires. Bref, des pillards de morceaux ! Il faut dire qu'en ces temps-là, aucune compagnie ne voulait enregistrer avec des musiciens noirs malgré leur talent indéniable.
J'ignorais totalement qui était Satchmo ou du moins qui il allait devenir sous un autre nom bien plus célèbre. Cela me fait dire qu'il faut parfois faire de bonnes rencontres, persévérer, ne jamais abandonner ses rêves car parfois ils peuvent se réaliser.
Bref, ce titre est finalement une assez bonne surprise.
BudGuy
Le 20/04/2022 à 17:40:06
Première BD de son auteur, 'Satchmo' n'est pas une biographie stricto sensu sur Louis Armstrong mais une biographie très romancée par bien des aspects revenant sur sa jeunesse mouvementée à la Nouvelle-Orléans et Chicago entre 1917 et 1923.
Je suis un peu mitigé vis à vis du scénario et de la tournure que prend l'histoire à un moment donné. Si l'essentiel est bien présent et historiquement respectueux (son insertion dans une maison de correction, sa rencontre et relation avec King Oliver), le reste avec sa mère et la Mafia m'a paru un peu lourd et parfois exagéré.
Néanmoins, Léo Heitz s'en tire haut la main par rapport au rendu final et au style qu'il a adopté: les hommes sont associés à des rats anthropomorphiques. L'ambiance n'est pas en reste avec une bonne immersion dans l'Amérique des bas-fonds du début du XXe siècle.