Résumé: La mort est leur métierMars 1740. Jean-Baptiste Sanson est devenu le nouveau bourreau de Paris. Mais contrairement à son père, il voit son métier comme une corvée, pas comme un sacerdoce. Pire encore : après quelques années d'exercice, Jean-Baptiste se retrouve atteint de paralysie partielle ! Cette affliction, née de son aversion pour l'activité de bourreau, sera pour lui le déclencheur de son désir de poursuivre son autre héritage : la lutte contre l'Amateur. Reprenant l'écriture du journal, il parcourt le pays, à la recherche d'informations sur ce terrifiant ennemi. Ses recherches le mènent sur les terres qui ont vu naître l'Amateur... En remontant jusqu'à ses origines, Jean-Baptiste espère comprendre les raisons de son immortalité. Et peut-être trouver, enfin, le moyen de le vaincre une fois pour toute.Les Sanson sont une famille de bourreaux qui a officié entre le XVIIe et le XIXe siècle. Ils exécutèrent notamment Cartouche, Robert-François Damiens, Louis XVI et Marie-Antoinette, Robespierre, Lavoisier, Charlotte Corday, Danton ou encore Lacenaire. S'inspirant de cette funeste dynastie, Patrick Mallet livre un récit haletant comme une série TV, mêlant habilement la Grande Histoire au fantastique pour manipuler le lecteur tel l'Amateur de Souffrances avec ses bourreaux.
L
es Sanson sont bourreaux de père en fils. Après tout, il n’y a pas de sot métier. Cela dit, les héritiers de la charge ne débordent pas tous d’enthousiasme. Ils ont par ailleurs comme mission de combattre l’amateur de souffrance, un mystérieux individu qui assiste à toutes les exécutions et se nourrit du tourment des suppliciés pour rajeunir. Pendant six générations, les exécuteurs trancheront les cous et tâcheront de s’opposer au déséquilibré. Parallèlement, la modernité fait son œuvre alors que le docteur Joseph Guillotin convainc l’Assemblée constituante d’adopter un instrument avec lequel la peine capitale est infligée avec moins de douleur.
Dans ce deuxième tome de la trilogie Les Sanson et l’amateur de souffrance, Patrick Mallet entremêle habilement faits historiques et fiction. L’histoire de cette lignée est en effet véridique, les biographes se souviennent d’elle pour avoir décapité Cartouche, Damiens, Louis XVI, Marie-Antoinette, Robespierre, Danton, Lavoisier ou encore Lacenaire. Tuer n’est cependant pas une occupation banale et le lecteur accepte volontiers que l’agent de l’État ait le vague à l’âme, notamment lorsqu’il voit une foule se délecter d’un divertissement pourtant sordide. Dans cette saga, le peuple assoiffé de sang est métaphoriquement représenté par un homme qui se repaît du supplice. La période couverte se révèle longue (l’album couvre, grosso modo, le XVIIIe siècle) et les ramifications avec les mondes politiques français et britanniques nombreux ; l’auteur assure néanmoins la fluidité de la narration.
Le dessin semi-réaliste de Boris Beuzelin demeure agréable. Son coup de crayon, gras, accentue la dureté des traits des personnages, souvent dépeints dans des cadrages très serrés. En fait, peut-être est-ce une coïncidence, mais plusieurs vignettes affichent une tête, seule, comme si elle était décollée de son corps. Des abondantes scènes de nuit se dégage du reste une tension dramatique particulièrement efficace. Les mises à mort se montrent pour leur part explicites avec hémoglobine, yeux exorbités, langues pendantes et onomatopées ostentatoires. Le bédéphile se trouve alors un peu dans la position des badauds hypnotisés par le spectacle macabre.
Un récit de genre bien mené ; une réflexion sur le bien et le mal, la justice et son administration.