Le 31/08/2020 à 21:30:37
Hugo Pratt est à la bande dessinée ce que Picasso a été à la peinture ou encore Jules Verne au roman d'aventure. Je ne fais que constater un fait indéniable ; après on aime ou on n’aime pas... Le dernier vol est la dernière oeuvre du Maître qui s'en est allé après ce titre bien prémonitoire. En l'occurrence, il raconte les derniers instants vécus par Antoine de Saint-Exupéry alors qu'il effectuait une mission en Méditerranée pour le compte des Forces Alliés le 31 Juillet 1944. Le personnage est connu par ses talents d'aviateur et également pour son "Petit Prince", conte pour enfants qui a fait le tour du monde. Alors qu'il est pourchassé par deux chasseurs allemands, il se remémore les moments les plus importants de sa vie : son amitié avec Mermoz, sa rencontre avec Consuelo Gomez Carrilo lors d'un tango en Argentine, son crash dans le désert saharien ainsi que son sauvetage par des bédouins, ses faits d'arme lors de la guerre d'Espagne, une rencontre hypothétique avec sa soeur Simone, son opération au Guatemala lors d'un énième accident, le sauvetage de Guillemet dans la cordillère des Andes... On sait que la fin est inéluctable ce qui rend le récit d'autant plus attachant et mélancolique. Dans cette espèce de délire, on croisera même le petit prince et des nuages en forme de moutons comme un ultime clin d'oeil. J'ai beaucoup d'admiration pour Antoine de Saint-Exupéry que je considère comme un vrai héros national. On a beaucoup critiqué son patriotisme au moment de la France de Vichy qu'il quitta pour les Etats-Unis sans tomber dans l'escarcelle du Général de Gaulle. A la fameuse phrase du Général : "Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre", il répondait : "Dites la vérité Général, nous avons perdu la guerre. Nos alliés la gagneront !" En effet, il ne veut pas accepter que qui que ce soit se déclare le chef d'une France libre qui divise le pays qui devrait rester un et uni. Il s'agirait le cas échéant de méditer sur cette opinion peu commune alors que nos livres d'histoire dresse l'antagonisme d'une France contre l'autre : celle des héros contre les vendus. A la fin de sa vie, il déclarera qu'il avait prouvé aux Etats-Unis (pays où il avait un lien très privilégié) qu'on pouvait être bon français, antinazi, antiraciste, et ne pas plébisciter cependant le futur gouvernement de la France par le parti gaulliste. Le 30 juillet au soir, il avait laissé deux lettres sur la table de nuit de sa chambre dont l'une à un ami qui disait: "Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m'épouvante. Et je haïs leur vertu de robots. Moi, j'étais fais pour être jardinier". Modeste, le gars ! Je précise que tout ces détails ci-dessus ne sont pas racontés par la bd en question (ce n'est donc pas un spoiler) mais cela permet peut-être de se faire une idée de ce qu'était Saint-Exupéry pour lequel Hugo Pratt vouait également la plus grande admiration. A bien y regarder les qualités sont les mêmes pour ces deux hommes d'exception : conteur infatigable d'aventure et profondément humaniste.BDGest 2014 - Tous droits réservés