«
La fin du XIXe siècle a amorcé la fragilisation nécessaire des frontières entre bon et mauvais goût, entre œuvres mineures et art majeur, pour aboutir au chantier critique et esthétique inachevable de nos arts contemporains.» Grand amoureux de l’Art ancien, L.L.D.M (L.L de Mars pour les intimes) continue en soulignant qu’«On pense cependant pouvoir compter sur les œuvres de la Renaissance italienne, dans toute son étendue, pour les définir et pour les tenir fermes. Mais cette intuition ne résiste pas à deux voyages.» C’est sur ces prémices que débute Sacro Monte.
Plus essai illustré que BD per se, l’ouvrage suit la réflexion de l’auteur lors d’escapades transalpines sur les traces des travaux de peintres et sculpteurs au moment où le Baroque commençait à poindre le bout de son nez. De ses observations (reprises sous la forme d’innombrables et superbes croquis sur le vif plus ou moins retravaillés par la suite), le dessinateur réalise, un peu à son effroi, mais avec beaucoup d’humilité également, que ses goûts ou positions (la pureté de la Renaissance, c’est bien, le Rococo, c’est kitsch et moche) reposent sur des a priori sans fondement. Quelques visites d’églises, de monastère et de musées plus tard, il doit bien avouer que l’Histoire de l’Art est un long flot et que tout se suit d’une manière logique et implacable. Il faut juste accepter de se «nettoyer» les yeux et le cerveau et d’observer attentivement, d’abord les germes, puis l’émergence toujours discrète et, enfin, l’épanouissement des gestes et des postures. Ce qui, au départ, repoussait devient alors une finalité aussi rationnelle que superbe. La démonstration s’avère finement menée et pertinente. Méfiez-vous des idées reçues, aiguisez vos sens et faites vous-même vos recherches !
Lecture savante truffée de noms inconnus ou oubliés en dehors des cercles d’initiés, impressionnant travail graphico-narratif triturant le ressenti, Sacro Monte arrive à dépasser son statut de méditation purement intellectuelle pour aller toucher le cœur de son sujet : «Chaque trajet apporte une rencontre, une œuvre.» Pour les plus aventureux, le livre pourrait très bien servir de guide lors d’une prochaine excursion à vocation culturelle.