Le 17/09/2024 à 14:51:28
:: CET AVIS CONTIENT DES (MINI) SPOILERS :: Après le succès mérité de « Jours de sable », Aimée de Jongh était forcément très attendue pour son adaptation du best-seller « Sa majesté des mouches » de William Golding. Sans démériter, l’exercice n’est pas tout à fait réussi. La couverture est magnifique, certes, et les premières planches sont alléchantes ; le trait doux et rond de la dessinatrice fait mouche et crée d’emblée des ambiances envoûtantes. Pourtant, au fil de la lecture, l’impression de lire un roman illustré gagne peu à peu. En effet, l’autrice a pris le parti d’une narration la plus proche possible de l’œuvre originale. L’idée est louable et aurait pu donner un résultat grandiose. Mais la voix off du narrateur devient vite envahissante et finit par mettre le lecteur à distance des évènements. Il y a, dans de nombreux passages, plus de récitatifs que de dialogues. Comme si Aimée de Jongh ne parvenait pas toujours à mettre en image l’action du roman, certaines scènes ne se comprenant qu’à la lumière du texte. Et cela pèse fatalement sur le rythme global qui souffre d’un manque de tension, d’intensité. Les moments de silence peuvent avoir leur importance, je ne le nie pas, mais plusieurs scènes m’ont paru quand même trop diluées. A contrario, une scène déterminante comme celle de la danse tribale qui vire au drame, aurait dû être plus longue, ou découpée de façon à faire jaillir la folie qui s’empare des garçons à cet instant-là. Alors que sa tragique conclusion n’est décrite qu’en 4 cases. S’agissant du point de bascule de l’histoire, elle perd ainsi beaucoup de la puissance qu’elle est censée avoir. Ce rythme irrégulier est aussi favorisé par de multiples ellipses scénaristiques et quelques raccourcis. Je ne vais pas m’étendre, mais citons par exemple la disparition du garçon à la tâche de naissance qui, bizarrement, n’a pas vraiment d’explication, ni l’air d’avoir la moindre conséquence sur le groupe. Ou encore, la fabrication des lances : mettez des adultes sur île déserte, je prends le pari qu’aucun d’entre eux ne serait capable de se fabriquer une lance à pointe de pierre ! Pourtant, ici, tous les enfants en sont armés sans que l’on ne sache ni comment ni par qui elles ont été faites. On pourrait me rétorquer que je chipote mais cet élément a une importance capitale dans l’histoire. De mon point de vue, il aurait été essentiel de s’y attarder, au moins le temps d’une case ou deux, même muettes, sans trahir le livre originel. Tout cela contribue à donner à « Sa majesté des mouches » des airs d’album jeunesse, ce qu’il n’est pas. Impression renforcée par le jeune âge des protagonistes et par le style presque enfantin de l’autrice. D’ailleurs, hormis Porcinet, tous les garçons ont des morphotypes et des faciès quasiment identiques, la caractérisation se faisant uniquement sur des détails (cheveux, taille…). Là encore, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y avait moyen de donner aux enfants des « tronches » mieux indentifiables, quitte à les enlaidir un peu ou à exagérer certaines de leurs particularités. Je précise que j’ai cité tous ces exemples pour étayer et préciser mon avis, pas pour critiquer gratuitement le travail d’Aimée de Jongh, que certains vont sans doute trouver parfait – et c’est tant mieux. Je garde un grand respect pour elle. Cependant, force m’est d’admettre que je suis resté sur ma faim. J’en attendais trop, j’en suis conscient. Cet album n’est donc pas décevant en soi, il est juste en deçà de ce qu’il aurait pu être à mes yeux. Il n’en reste pas moins solide, édifiant, et tout à fait recommandable.BDGest 2014 - Tous droits réservés