Résumé: Il voulait fournir l'équivalent de la richesse à la classe ouvrière.Elle voulait une utopie durable. Jeune indigente parisienne, Glannes a été adoptée par Jean-Baptiste Godin à Guise, dans son Familistère, un établissement dans lequel les ouvriers de son usine et leurs
familles vivent en communauté dans un confort qui leur était jusqu'alors inaccessible. Mais en grandissant, la jeune femme pressent que la fin de cette utopie réalisée est inévitable, car le progrès technique finira par rendre les poêles obsolètes, et les profits
en baisse marqueront la fin de ce formidable modèle de société. En butte avec les intégristes du lieu, elle est renvoyée à Paris, où elle retrouve ses compagnons d'infortune : prostituées, mendiants, voleurs, travailleurs journaliers... Pour aider les habitants de l'ancienne cour des miracles, Glannes décide de mettre en pratique les idées que son mentor, Godin, lui a inculquées, en utilisant les métiers de ces rebuts de la bonne société. Car leurs activités à eux sont éternelles.
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aris,1864. Alors qu'il devise avec son fils dans les halles Baltard, Jean-Baptiste André Godin se fait détrousser par une enfant. Celle-ci est attrapée par un commerçant qui s'apprête à la rosser, lorsque l'industriel s'interpose. Touché par l'histoire de la fillette, au grand dam d’Émile, Godin décide de l'amener au familistère de Guise afin de l’élever. Des années plus tard, Glannes a bien retenu les leçons du philanthrope qui l'a sauvée : elle lance en plein Paris une version de l'utopie dédiée aux plus humbles et aux rebuts de la société. Toutefois, en province, le comte de Caius œuvre pour détruire ce projet. Pourquoi ?
Jean-David Morvan offre aux lecteurs une plongée originale dans la France de la fin du XIXème siècle. Impressionné par ses visites au familistère de Guise, il en a fait le cadre d'un récit au terme d'une longue maturation. Le scénariste joue avec les allers-retours dans le temps pour présenter ses personnages et leurs liens et les éléments de l'intrigue. Le procédé fonctionne et donne une dynamique pertinente à l'ouvrage, évitant les redondances d'un déroulement chronologique classique. Cette technique lui permet également de développer plusieurs protagonistes, parmi lesquels trois se dégagent rapidement, en particulier M. Godin. Cet industriel humaniste et utopiste appartient au mouvement du paternalisme patronal, dont Charles Fourier fut un précurseur avec son Phalanstère. La création du familistère dans l'Aisne illustre, entre autres, l’obsession de cet homme pour appliquer concrètement les idéaux de son prédécesseur, dont la "question sociale", autrement dit le bien-être des ouvriers. Ce point est bien développé dans le scénario. Les passages montrant M. Godin sont l’occasion pour le dialoguiste de placer, habilement et par bribes, les grandes idées animant cet homme. Concernant Glannes, Jean-David Morvan puise dans ce qu'il connaît de l'histoire et de la littérature de la Belle Époque afin de la rendre la plus crédible possible. L’ellipse temporelle de ce tome permet seulement de la voir sortir de la misère parisienne, ainsi que son arrivée dans l'Aisne, puis son rôle dans sa copie du familistère dans Paris une fois devenue Mme Fourier. Espérons que le second volume en dévoilera davantage sur elle. Quant au troisième personnage, les lecteurs le découvriront eux-mêmes, afin de ne pas trop divulgâcher, et ceci pour apprécier le récit à sa juste valeur.
Arrivé dans le neuvième art par un parcours atypique, Romain Rousseaux-Perrin est aussi sociologue et architecte. De là à dire que le scénario de Morvan était taillé pour lui... La réponse est oui ! Le dessinateur offre de superbes décors lors de toutes les scènes. Cela signifie qu'elles se révèlent détaillées et tout à fait conformes à la réalité de l'époque. Cela contribue grandement à apprécier ce titre, puisque la ville est mise en valeur dans la construction des planches. C'est le cas, par exemple, lors de l'arrivée de Célestin blessé rue de la Truanderie, dans le "familistère" de Mme Fourier. En quatre planches, les lecteurs suivent la progression de la charrette, avec des vues aériennes, puis des visuels des bâtiments depuis la rue arpentée par les personnages, pour finir sur une double page avec quatre cases tout à gauche qui offrent la suite de l'action entamée et le reste étant constitué d'une dernière vue aérienne des bâtiments de Glannes comme s'ils avaient été pris en photographie avec un objectif fisheye circulaire. D'autres exemples avec des cadrages différents ponctuent régulièrement la narration de cet album. Sans compter les intérieurs copieusement remplis et le Familistère Godin qui sont eux aussi plus vrais que nature. L'ensemble bénéficie d'un travail de colorisation de qualité, signé Hiroyuki Ooshima, contribuant au réalisme souhaité par les auteurs.
Le tome se termine par un dossier titré Le familistère de Guise, une utopie réalisée qui permet d'en apprendre davantage sur ce lieu et sur son créateur.
Une première partie de diptyque menée tambour battant. Le duo Morvan/Perrin plonge les bédéphiles dans la France de la Belle époque, au cœur d'une intrigue mêlant liens familiaux et idéologie au cadre parfaitement maitrisé.
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Les avis
Erik67
Le 12/09/2025 à 07:44:06
Le XIXème siècle a été l'époque de la fameuse révolution industrielle qui a créé des richesses mais qui a surtout enrichie la classe bourgeoise au détriment des travailleurs. Fort heureusement, il y avait des grands patrons un peu plus humanistes que les autres et qui se sont interrogés sur les fameuses inégalités sociales pour proposer d'autres solutions.
Le familistère a été une de ces créations qui n'a malheureusement pas perduré. C'est tout de même une expérience sociale assez intéressante que l'on va découvrir dans cette BD au travers de ce récit. Certains diront que cela a été une véritable utopie.
En effet, on va suivre le parcours d'un jeune indigente parisienne, Glannes qui a été adoptée par Jean-Baptiste Godin à Guise, dans son Familistère, un établissement dans lequel les ouvriers de son usine et leurs familles vivent en communauté dans un confort qui leur était jusqu’alors inaccessible.
Au niveau du dessin, c'est un graphisme assez soigné qui fait la part belle à toute l'architecture assez remarquable. Les décors sont véritablement à couper le souffle. Ce qui rend la lecture assez agréable. Un mot également sur la colorisation que je trouve particulièrement réussie. Sur la forme, c'est un travail impeccable !
On en apprendra également un peu plus sur cette fameuse rue de la capitale dont les bâtiments ont été rasée en 1900 par le régime parlementaire de la Troisième République qui voulait effacer tout souvenir de cet endroit. La fameuse cour des miracles avait installé jadis son quartier. Bref, tous les truands et autre gueux et vauriens de Paris étaient concentrés dans cette rue qui est l'une des plus anciennes.
Après, s'il est vrai que si le cadre historique est intéressant, cela est tout de même noyé dans une aventure assez conventionnelle qui ne sera pas marquée par la subtilité de la mise en scène. On pourra très vite oublier l'intrigue de cette lecture...
A la fin de l'album, il y aura des archives de l'époque ainsi qu'un petit dossier assez agréable à découvrir pour compléter notre lecture. Avis aux amateurs d'autant que c'est seulement un titre en deux parties.
Touriste-amateur
Le 11/06/2025 à 12:41:33
Née dans la rue où elle rapine, Glannes est prise sous l'aile de l'utopiste Jean-Baptiste GODIN (des poêles Godin!) et passe son enfance/adolescence sous sa protection à Guise (Picardie).
Adulte, elle retourne à Paris où elle mène une vie borderline (en ouvrant un bordel et accueillant divers truands) et s'inspire de la bonté de son mentor en étant aux petits soins pour ses pensionnaires.
Mais ça ne plait pas à tout le monde et les ennuis commencent...
Le nôtre aussi, d'ennui, car on a du mal à se situer dans l'histoire. Beaucoup de personnages sont présentés un peu comme s'il se préparait une saga, sauf que l'ensemble est annoncé en 2tomes.
Il y a du rebondissement, de l'action, mais sans qu'on comprenne trop pourquoi. Le dessin et le découpage sont plaisants mais peinent à couvrir un scénario compliqué.
De bons côtés, mais pas un coup de coeur.
MICHEL-34170
Le 16/04/2025 à 14:41:33
dessin léché et chatoyant, tonalité obscure en relation avec le thème, le sujet abordé, l'existence du familistère qui est une réalité est tout à fait original, bref une BD de classe, à lire, même si le scénario est sans doute la partie faible,
Le familistère rentre dans cet histoire de la pensée économique développée par Saint-Simon de Patrons-paternalistes (d'ailleurs c'est la même racine) que l'on retrouve encore au XXème, les Schneider, Michelin, Peugeot, Menier, bref au delà de la BD c'est aussi l'occasion de se remémorer ce qu'à été l'idéologie économique dominante du XXème et la pensée de Saint-Simon
bd91130
Le 15/04/2025 à 19:13:26
Pour une fois, j'ai trouvé les aller-retour entre les deux époques un peu confus. L'ambiance 19ème siècle est une réussite, et le dessin minutieux et détaillé colle complètement. Mais surtout l'intérêt historique m'a bluffé, me faisant découvrir cette utopie fouriériste que je ne connaissais absolument pas. Encore une fois, bravo monsieur Morvan !