Résumé: URSS, 1941. La vie d’Olenka bascule lorsque les troupes nazies envahissent l’Union soviétique et assiègent la ville de Leningrad. La petite fille de huit ans perd alors ses parents et son frère et trouve refuge dans son appartement en ruines. Vivant désormais seule avec son chien, Olenka survit tant bien que mal à la faim et au gel, et s’évade en faisant vibrer les cordes de son violon. Un jour, elle rencontre en rêve un mystérieux aigle à deux têtes qui lui explique que la ville entière est sous le joug d’une malédiction. Seule la musique d’Olenka est capable de dissoudre le charme de glace qui a piégé la Déesse de la vie, avec tous les habitants de Leningrad. Mais quel sera le prix à payer pour Olenka ? Entre Jonas Fink et Le Pianiste, La Route de la vie est un conte de fée qui mêle avec poésie histoire et fantastique, reconstituant le drame de la guerre à travers les yeux d’un enfant. Où se termine la réalité et où commence l’imaginaire ?
A
utomne 1941. Les neiges sont précoces, mais c’est tout de même ce moment que choisissent les troupes allemandes pour envahir l’URSS. Leningrad est bombardée, des maisons sont détruites et c’est ainsi qu’Olenka se retrouve orpheline avec pour compagnons son chien Popovic et un violon. Dans cette dévastation où plus rien n’a de sens, elle se réfugie dans une rêverie peuplée de Roussalki (femmes-poisson pataugeant dans le fleuve), d’un aigle à deux têtes et d’une sorte d’ankou qui sème les cadavres. Mais surtout, il y a Flamme, déesse endormie sous l’eau gelée et Hiver, son amoureux. Pour la délivrer, la fillette doit jouer de son instrument jusqu’à ce que fonde la glace, dût-elle en avoir les doigts en sang.
L’univers échafaudé par l’enfant se révèle complexe. Il offre une explication à son drame et à celui de son quartier dévasté ; il lui donne une raison de vivre alors qu’elle est convaincue d’être la seule à pouvoir sauver son monde. Pour raconter cette histoire, Giovanni Furio propose un texte riche et poétique, particulièrement quand les créatures chimériques s’expriment, souvent de façon théâtrale. C’est d’ailleurs de cela dont il s’agit, d’une tragédie faite de gentils et de méchants, réels et imaginaires, avec au milieu une gamine égarée dans ses songes.
Les illustrations de Marco Nizzoli s’avèrent à la hauteur du projet. Avec son coup de crayon réaliste, il peut tout représenter : appartement en ruine et toiture d’une cathédrale byzantine, demoiselle en pleurs et sirène cadavérique, oiseau de proie bicéphale et chouette, entité végétale et personnification de la mort… tout lui semble facile. Sa mise en couleur à l’aquarelle est tout aussi exceptionnelle ; les demi-teintes qu’il pose sur ses dessins apportent un surplus de caractère à son trait qui en a déjà beaucoup.
Un récit original et ambitieux, construit sur un assemblage d’événements historiques et de mythologie slave.
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 13:56:49
Rarement je n'ai lu un conte pour enfant aussi triste. Aussi, je me demande si c'est vraiment destiné à la jeunesse. Il faut dire que le siège de Léningrad durant la Seconde Guerre Mondiale a fait près d'un million de morts. Il n'y a pas eu autant de mort en France durant cette même guerre. C'est un chiffre effrayant qu'on a du mal à s'imaginer. Un million de personnes qui ont perdu la vie si ce n'est pas dans les combats, c'est par la famine.
On observera que le peuple soviétique s'est battu courageusement pour être maître de son destin et non dans la fuite éhontée face à l'adversité. Ce conte slave met l'accent sur une petite fille qui vient de perdre sa famille et qui n'a plus rien à perdre que sa vie pour sauver celle de son peuple. Certes, il y a un côté fantastique qui mêle les saisons hivernales avec la déesse de la vie contre le démon de la mort.
Je trouve que cette histoire est bien menée jusqu'au final époustouflant et dramatique. Le graphisme est d'ailleurs d'une grande beauté et d'une grande précision notamment dans les décors et les visages des personnages. Sinon, la pureté et l'innocence peut rencontrer l'horreur, la guerre ainsi que la mort.