Résumé: «J’ai l’honneur de déclarer la naissance du royaume de Georgetta. Et devant cette assemblée, jeme sacre RoiMiao, premier souverain de la royauté. »
Telle est la fiction grâce à laquelle ce paisible monsieur vieillissant, bien seul dans son pavillon de banlieue, parvient à redonner un peu de couleur à son existence. Il n’a pour unique compagnon que son chien Bao, et pour principal horizon le balcon de l’immeuble où il aperçoit régulièrement une dame de son âge, apparemment aussi solitaire que lui. C’est que ce « roi banal » est aussi un homme malheureux : inconsolable, il vit depuis des années dans le souvenir douloureux de sa chère épouse disparue, Georgette.
Ah, si ! Il y a quand même sa famille, qui lui rend parfois visite : sa fille Florence, murée dans sa raideur, son fils Gilles, un postier gentil mais qu’il n’estime guère, et ses deux petits enfants—qui n’aiment que le foot, alors…
Bref, rien de bien enthousiasmant. Jusqu’à ce que le « roi », à la manière d’un jeu, se décide à écrire à l’ONU pour obtenir la reconnaissance de son pays imaginaire. Et que le Gilles le postier, écrivain contrarié, s’amuse à lui répondre. De quiproquos en malentendus, tout va s’emballer pour les protagonistes de cette drôle d’histoire…mais pas du tout de la manière dont ils se l’étaient imaginé !
Grâce au pouvoir de l’imaginaire, qui peut tout réparer, tout finira par rentrer dans l’ordre, quand même — et aussi parce qu’au fil de cette étrange aventure, et en dépit des apparences, il y a beaucoup d’amour.
«
J’ai l’honneur de déclarer la naissance du Royaume de Georgettia, et devant cette assemblée, je me sacre Roi Miao, premier souverain de la royauté. » En fait de Roi, celui-ci n’est qu’un vieil homme seul tentant désespérément de vaincre l’ennui et l’indifférence. Et rien de tel que de jouer les têtes couronnées pour mettre un peu de piment dans sa vie, même si son seul et unique sujet - fidèle, il est vrai - est son chien Bao.
Le postulat de ce Roi banal a de quoi séduire, et puise largement dans le registre de l’absurde pour finalement parler de ce qui fait notre vie à tous. Derrière une façade de franche bouffonnerie, Antoine Ozanam, développant une idée de base de son dessinateur, parle du monde actuel : relations familiales, problèmes de couple, rêves professionnels, éducation des enfants, place des personnes âgées dans la société, précarité sociale, etc. Les thèmes abordés sont nombreux, mais ils sont plus évoqués qu’analysés en profondeur. Loin de décrédibiliser le récit, cette tendance à l’ellipse et à la suggestion renvoie au vécu de chacun et confère une force supplémentaire à l’histoire. L’objectif n’étant pas de livrer une analyse de la société moderne, mais de cerner la vie d’un personnage de fiction, cette légèreté teintée d’imaginaire a quelque chose de particulièrement attachant.
Le principe de la souveraineté autoproclamée n’est donc qu’un prétexte à la mise en scène de personnages que l’on prend plaisir à suivre, entre le petit vieux un peu désabusé par la vie depuis le décès de son épouse et l’homme moderne contraint de faire des compromis pour assurer l’avenir de ses enfants. Le côté absurde de certaines situations, renforcé par un dessin qui mêle allégrement vues réelles et fantasmées, se marie sans problème avec l’aspect réaliste des relations décrites. Bien que parfois fort sage, le graphisme de Kyung-Eun ne ternit en rien l’impression positive laissée par un récit qui n’a finalement rien de… banal.
Avec ce nouveau one-shot, Antoine Ozanam confirme son statut d’auteur atypique, qui ne cesse d’explorer les genres et affiche, à contre-courant de son temps, une réjouissante prédilection pour les récits courts.
Les avis
Erik67
Le 01/09/2020 à 15:41:40
Quand j'ai commencé à lire cette bd, je me suis dit que les lieux m'étaient assez familiers car cela ressemblait à ma bonne vieille ville de Strasbourg. Le lieu n'est jamais évoqué dans la bd mais vers la fin, il y a une carte de France avec la localisation exacte d'un départ qui correspond bien à ce que j'avais pressenti. Bon, il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de lieu au monde où il manque une tour à la cathédrale !
Outre ce côté réaliste du décors, nous avons droit à 3 personnages assez bien fouillés. La psychologie sera de mise tout au long de la lecture. Il y a un côté humour assez décalé que j'ai apprécié notamment dans la représentation qui est faite des choses. En effet, un vieil homme imagine que sa maison et son jardin forment un royaume indépendant pour pallier l'absence de sa défunte épouse. Il souhaite la reconnaissance de cet état par l'ONU. Il a une vision très chevaleresque des choses. Pour autant, l'action ne se concentrera pas uniquement sur ses délires mais également sur son gendre qui passait pourtant totalement inaperçu dans les premières pages.
Au final, c'est un bon titre empreint de beaucoup d'humanisme et de douceur entre rêve et réalité. J'ai du mal à croire que cela vienne d'Ozanam que j'avais pu découvrir dans le titre de science-fiction Eclipse (Vents d'ouest). On est à mille lieux d'un tel univers ! C'est généreux à souhait dans les sentiments évoqués. Un titre à découvrir !