Résumé: Avec grâce, poésie, simplicité et érudition, Etienne Appert conte l'origine du dessin, sa signification, sa raison d'être.
« Pourquoi tu dessines ? » demande un jour un enfant à Étienne.
Pour répondre à son questionnement, l'auteur choisit d'emprunter ce qu'il nomme la rivière d'encre : celle qui coule depuis le tout premier trait tracé par un homme et contient chaque histoire personnelle et universelle du dessin.
La légende veut que le premier dessin ait été tracé en Grèce bien avant l'antiquité, par la main d'une femme qui voulu accrocher sur le mur de sa maison l'ombre de son aimé. C'est son histoire que nous suivons, mêlée aux souvenirs de l'auteur et à ceux de l'enfant qui l'accompagne. Et, pour un bout de chemin, François Boucq et Edmond Baudouin leur serviront de guides.
Dessiner, mais pour quoi alors ? Pour laisser quelque chose dans l'au-delà, nous qui sommes mortels ? Pour donner forme à l'innommable ? Pour accrocher l'ombre d'un être aimé sur le mur de sa maison ?
De prime abord, la question peut surprendre surtout quand elle s’adresse à un dessinateur ! Mais, si c’est un enfant qui la pose, elle revêt immédiatement un autre sens et invite à réfléchir sur la manière de formuler la réponse. Car derrière une simplissime certitude, se cachent bien des choses, beaucoup même…
Pour l’occasion, Etienne Appert n’a pas de mouton à dessiner, mais il dispose d’une barque métaphorique qui, sur une rivière d’encre imaginaire, lui permet de remonter le fil du temps pour trouver le trait primal, celui à l’origine de tout ! Ce faisant, pour tenter de faire le tour de la question, il se prend pour sujet, raconte sa vie et celle de quelques ancêtres, invite des amis et ses souvenirs d’enfance à grand renfort d’allégories picturales parfaitement travaillées. Ainsi, le propos n’est nullement académique, puisqu’il emprunte d’autres chemins, ceux de l’imagination, du rêve, du conte, du vécu personnel, pour expliquer ce qui pousse l’Homme à matérialiser sa perception et sa conception du monde par le biais d’un trait puis de plusieurs. Si au passage, quelques allusions psychologiques ou philosophiques viennent enrichir le récit, l’ensemble se veut des plus accessibles et ce grâce, notamment, à une prestation graphique de haut niveau.
À la fois sujet et objet la Rivière d’encre est un bel exercice de mise en abîme et d’introspection appliquée qui renvoie tout un chacun à son rapport à ce et ceux qui l’entourent, à leur matérialisation. Mais aussi existentielle soit-elle, cette interrogation n'est certainement que de peu d’intérêt pour le commun des mortels…
Les avis
Au Fil des Plumes
Le 22/03/2023 à 11:33:24
Ce roman graphique interroge la question du dessin et de son apparition. A travers le personnage principal, le lecteur découvre donc le récit d'une légende Grecque qui expliquerait les origines du dessin.
Je ne connaissais pas du tout cette histoire et j'ai adoré la découvrir. A travers une belle histoire d'amour, nous découvrons l'importance du dessin et celle de garder une trace des choses.
Le scénario est poignant et donne une tout autre dimension au dessin.
Le tout est illustré avec brio. Les traits sont très marqués et noirs. Les personnages ont parfois des expressions plutôt figés. En revanche, j'ai été subjuguée par les couleurs, les multiples courbes, la dynamique de chaque vignette. J'ai pris une claque visuelle et j'ai passé de longs moments à admirer les illustrations.
Cette lecture a donc été une vraie immersion dans la légende du dessin.
Erik67
Le 13/07/2021 à 08:14:07
Voici un conte initiatique qui nous fait découvrir l'origine du dessin, de la préhistoire jusqu'aux auteurs modernes de bande dessinée. Il y a tout un parcours assez intéressant à découvrir.
Au départ, il y a une interrogation toute simple émanant d'un enfant : dis pourquoi , tu dessines ? Il s'agira pour l'auteur de répondre à cette question existentielle qui met en valeur cet art. Il y aura évidemment de multiples réponses.
Il est vrai qu'étant enfant, on commence par dessiner pour exprimer ce que l'on ressent. Puis, les enfants abandonnent progressivement le dessin pour la parole.
On va remonter un fleuve d'encre de manière assez onirique. Cette BD recèle de trouvailles qui met bien en avant les différentes théories et petites histoires.
On retient surtout l'histoire d'amour de cette femme qui a dessiné l'ombre de son amour parti pour la guerre afin de l'avoir tout le temps avec elle. C'est un geste d'amour un peu fou.
Il y a également le récit de René durant la Première Guerre Mondiale qui dessine pour se créer un abri au milieu de ce tumulte infernal. Une carte dessinée pour éviter la censure.
A noter que ces deux récits vont se rejoindre vers la fin dans un refuge hors du temps face aux dangers de la guerre.
On se rend compte de la signification de cet art qui va atteindre une dimension parlant à toute l'humanité. Il y a du beau dans cette œuvre qui transcende les genres pour offrir quelque chose d'unique. Bref, un beau voyage initiatique dans le domaine du dessin.