Résumé: Il y a une quinzaine d'années, le Kosovo est devenu le théâtre d'une guerre civile, aux franges de l'Europe. Kosovar, Gani Jakupi a quitté son pays en proie au conflit. Écrivain, journaliste, jazzman, dessinateur et scénariste, il a vécu en France et en Espagne, avant de revenir au Kosovo après la fin des combats en 1999, pour retrouver sa famille et pour témoigner. À la fois proche et lointain, ce conflit a ravivé des doutes et des blessures qu'on croyait oubliés. Comment dire l'après ? Gani Jakupi explore les douloureuses questions qui se posent quand les armes se taisent et que la vie doit reprendre ses droits.
Gani Jakupi s'est associé au dessinateur Jorge González pour servir l'écriture d'un récit marqué par l'émotion. Graphiquement les pages se construisent en strates successives, lumières et couleurs s'amalgamant aux traits des paysages et des personnages. Âpre et poétique, auteur chez Dupuis des remarqués "Bandonéon" et "Chère Patagonie", collaborateur du New Yorker, Jorge González est de ces artistes capables d'exprimer l'indicible et de rendre palpables les sentiments qui lient identité et géographie.
Ces deux grands auteurs nous offrent un récit singulier et saisissant, qui parvient à mêler l'Histoire et l'intime.
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a href="http://www.bdgest.com/chronique-5141-BD-Derniere-image-La-derniere-image.html">La dernière image est une bande dessinée parue il y a deux ans à peine. Réalisée en solo, elle apportait une vision critique du travail des correspondants de guerre à travers le conflit kosovar. Gani Jakupi, résidant espagnol originaire de cette région des balkans, avait été dépêché là-bas à la fin des hostilités pour y faire un reportage et livrait donc, en immersion dans le milieu considéré, son regard sur cette profession. Si son ouvrage était remarquable, l’auteur n’avait peut-être pas tout dit ou, tout du moins, avait-il choisi un angle d’approche qui lui avait permis, consciemment ou non, de contourner ce qui était pour lui l’essentiel.
Pour ce Retour au Kosovo, qui va relever de l’exercice intime, Gani Jakupi a fait le choix de remettre son histoire entre les mains d'un dessinateur capable de donner à ressentir sa perception des choses, capable de laisser le sensitif prendre le pas sur l’analyse. Cauchemars. Le dessin, mélange des excès de Nicolas de Crécy et Ben Telmplesmith, s’accapare l’espace au point d’en être oppressant. Dans la nuit noire, les démons prennent forme, prennent possession de l’esprit de celui qui sait ses parents et son enfance là-bas alors que lui est à Barcelone. Réveil, impuissance occidentale.
C’est Jorge González qui officie aux crayons et pastels gras. Dans la droite ligne de son interprétation fascinante du dernier jour du président chilien Salvador Allende menée à bien pour le premier numéro de La revue dessinée, il livre un travail époustouflant, puissant, conférant du sens à chaque case, à chaque planche, venant systématiquement en appui de la voix off du narrateur. Ce dernier raconte sa confrontation à la réalité post-conflit, difficile à appréhender pour lui qui n’a vécu ce drame qu’à travers ses nuits torturées et ses angoisses. Il raconte la coexistence maintenant impossible entre kosovars et serbes, cela malgré ce graffiti dérisoire aperçu sur un mur de Pristina : « Si nos enfants peuvent être ensemble, pourquoi pas nous ? ». Il raconte aussi la peur dont il ne parvient pas à se débarrasser, résurgence des fantômes de la guerre et de ses atrocités. L’atmosphère est incertaine, pesante, insidieuse, et le lecteur sort de sa lecture bousculé.
Dans la postface de La dernière image, Gani Jakupi citait Jean-Paul Sartre « Un auteur écrit toujours pour que personne ne se considère innocent de ce qui se passe dans le monde » (Qu’est-ce-que la littérature ?).
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Les avis
Eric de 1001 cases.net
Le 28/02/2015 à 14:07:34
Né dans les montages du Kosovo en 1956, Gani Jakupi a quitté son pays pour s’installer en Espagne puis en France. Quinze ans après la fin du conflit qui a frappé les Balkans, il est envoyé dans son pays natal par un magazine espagnol pour faire un reportage.
Graphiquement, le travail de Jorge Gonzalez est magnifique. Son approche colorée directe et audacieuse couplée à l’utilisation de pastels gras lui permet de poser des ambiances très différentes avec une intensité remarquable. On ressent les choses plus qu’on ne les observe.
Plus qu’un simple reportage dessiné, "Retour au Kosovo" est un acte cathartique qui permet à son auteur, Gani Jakupi, de se débarrasser définitivement des démons du passé. La blessure est encore à vif mais le témoignage est là, sincère, poignant et plein d’humanité.