Résumé: Osamu partage avec sa grand-mère son goût pour le merveilleux. Proche des yôkai, ces créatures magiques et malicieuses, il se tient loin des humains depuis qu’ils ont fui Tomioka après l’accident nucléaire de Fukushima.
Mais lorsque Bâ-chan décède, Osamu ne peut se résoudre à l’enterrer loin de leur maison. Il convainc alors sa soeur, Akiko, de fuguer pour déposer ses cendres au pied de l’autel familial, au coeur de la zone interdite…
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rphelins depuis l’accident atomique de Fukushima, Osamu et sa sœur vivent avec leur grand-mère, Bâ-chan. Si l’adolescente semble s’adapter à leur nouveau quotidien, grâce à ses tournages de tutos sur le maquillage, son frère, lui, trouve refuge auprès de yôkai qu’il est le seul à voir. Le décès de la vieille femme bouleverse encore l’avenir des enfants. Afin que l’âme de cette dernière parte en paix, Osamu insiste pour transporter les cendres de son aïeule jusqu’à sa ferme. Mais Tomioka est situé en zone interdite et l’enfant essuie un refus. Alors, il s’enfuit avec Akiko, en emportant l’urne.
Album né parallèlement à un projet conjoint de long métrage d’animation, Retour à Tomioka mêle deuil, résilience, écologie et folklore japonais avec, pour toile de fond, les conséquences du tsunami du 11 mars 2011 et de la catastrophe survenu à la centrale nucléaire de Fukushima.
En scénariste averti, Laurent Galandon (L’alibi, La truie, le juge et l’avocat, L’envolée sauvage) mène parfaitement la narration dont le rythme monte progressivement en tension. La quête initiatique des jeunes protagonistes prend un caractère fantastique avec l’intervention de différentes créatures, les unes tirées des légendes locales, une autre créée de toute pièce pour représenter un mal invisible. Cela apporte une dimension supplémentaire à l’histoire et allie subtilement la modernité aux croyances traditionnelles, un peu à la façon des grands titres des studio Ghibli. Par ailleurs, il est également question de deux autres aspects cruciaux. Ainsi, la BD évoque le rejet des habitants de la préfecture sinistrée par certains Japonais craignant une contamination par les radiations. Ce dernier point, hélas tout à fait réel, fait d’ailleurs écho à la phobie similaire qui discriminait les survivants d’Hiroshima après-guerre… D’autre part, le périple à travers la campagne abandonnée et la rencontre avec Natsuo soulèvent le problème environnemental ; la survie de la faune et de la flore malgré tout et le combat de quelques-uns pour rester dans les zones touchées s’opposent à l’attentisme politique. La partie graphique se révèle également qualitative. Animateur et storyboarder, Michaël Crouzat dévoile un talent certain pour donner vie à la galerie de personnages et restituer au mieux les paysages urbains comme ruraux. Le trait est expressif, les cadrages ajustés et les couleurs douces habillent agréablement les planches en créant des ambiances spécifiques pour chaque étape.
Fable moderne tout public et bien réalisée, Retour à Tomioka est de ces bandes dessinées qui restent durablement dans le cœur du lecteur. Une jolie pépite à découvrir.