Résumé: Robert Blancou et Claudine Cartayrade, jeunes instituteurs nommés aux postes de Saint-Maurice-l'Ardoise pour la rentrée de 1967, découvrent une réalité dont ils ignorent tout : la condition des Harkis dans les camps militaires. Sans véritablement mesurer l'impact des traumatismes endurés par les familles, ils tissent des liens privilégiés jusqu'à la révolte de 1975 qui mènera à la fermeture du camp.
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aniel interviewe ses parents instituteurs sur une période de leur vie professionnelle qui les a profondément marqués : leur travail au sein d’un camp de réfugiés Harkis dans les années 60-70. L’enquête personnelle menée par le fils sert de thérapie et permet l’extériorisation d’un poids enfoui depuis des décennies au fin fond d’une mémoire meurtrie par l’oubli imposé par une chape de plomb nationale.
C’était il y a presque cinquante ans, un demi-siècle, une éternité, et pourtant cela reste ancré dans leur esprit comme si c’était hier. La volonté de ne pas oublier le comportement inacceptable du pays de la liberté et l’incompréhension du moment, mais surtout la nécessité de confirmer le caractère indispensable de leur expérience. Simplement parce qu’il fallait que quelqu’un fasse le boulot et que leurs convictions étaient les bonnes : le don de soi pour aider les autres, la nécessité d’une conscience professionnelle irréprochable née de leur vocation.
Ces "autres", ce sont ces fils et filles de la France que la mère patrie, après avoir été contrainte et forcée de ne pas les abandonner, a parqués, pour ne pas dire enfermés, pendant plus de dix ans dans des camps à peine salubres. Les Harkis, leur femme et leurs enfants sont racontés sous le prisme de l’éducation de la République dispensée par un homme et sa future épouse qui se rencontrent sur les mêmes idéaux et se construisent autour de cette expérience. Pendant neuf années, ils essayent d’adoucir et d’améliorer un sort bien peu enviable et tentent de comprendre une population rejetée, tout en lui donnant des outils pour lui permettre de s’intégrer au mieux dans un pays qui est devenu le sien et qui lui est pourtant étranger.
Le cadre graphique est économe et régulier. Le gaufrier de six cases principalement utilisé participe à la création d’une ambiance sereine nécessaire à l’analyse impartiale d’une situation qui génère une passion inévitable pour ceux qui l’on vécue. Les tons pastels des échanges fils/père/mère et du retour sur les "lieux du crime" contrastent avec les couleurs légèrement ternes des évocations du passé marquées par la tension et l’austérité de l’époque. Loin d’être monotone et triste, le récit alterne judicieusement témoignages et flashbacks rendant passionnante la mise en lumière d’un élément tragique constitutif de l’échec de la capacité d’intégration de notre société actuelle.
Retour à St Laurent des arabes est un témoignage sobre et objectif que le cinquantenaire de la signature des accords d’Évian marquant la fin de la guerre d’Algérie devrait aider à mettre en avant.
Les avis
Erik67
Le 02/09/2021 à 20:10:46
Le sujet semblait très intéressant dans le style qu'on a crée des sortes camps de concentration pour les exilés revenant de la guerre d'Algérie mais sans les tortures. Les fils de fer barbelés et les miradors sont présents ainsi qu'un couvre-feu le soir. On envoie également des instituteurs dans ces baraques afin d'éduquer les enfants car ils ne savent pas lire et ils ont été déraciné de leur culture. La France a une responsabilité dans l'abandon et le massacre des harkis après avoir accordé l'indépendance à l'Algérie. Oui, elle perd sur tous les tableaux.
Certes, la condition des Harkis a été difficile. Mais quand on vient de lire Passage Afghan, on se rend compte que dans le monde, les conflits peuvent générer des situations d'inconforts encore plus délicates ce qui n'est certes pas une raison. Pour autant, petit à petit une reconnaissance a vu le jour. Par exemple, une loi datant de 2008 permet d'ailleurs aux descendants de harkis de devenir fonctionnaire sans passer de concours dans le cadre des emplois dits réservés ce que n'a pas manqué de faire un descendant que je connais. C'est une forme de discrimination positive ou d'un droit à réparation pour ce qu'une autre nation souveraine a commis comme exactions et massacres. Dur à cautionner...
Il est vrai que certaines personnes auraient honte de bénéficier d'un droit parce qu'un grand-père a été blessé sur un champ de bataille ou victime d'un génocide non reconnu et contesté. Cela s'appelle la dignité. Cependant, notre gouvernement actuel ira plus loin dans la revalorisation d'une allocation de reconnaissance pour une communauté estimé à 500.000 membres. Des versements revalorisés et de plus en plus d'aides dans un contexte de caisse vide et de hausse d'impôts mais il faut ce qu'il faut dans le cadre d'un solde de tout compte d'une autre époque coloniale. Cela me rappelle le débat où les allemands devraient payer pour les grecs par rapport à ce qu'ils ont commis au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Ma position est très ferme: il faut passer l'éponge afin d'avancer sur le chemin de la paix et de la prospérité mondiale.
Sur la forme de cette bd, le dessin est vieillot. C'est terne et cela manque de couleur. Le reportage n'est point dynamique. C'est une compilation de témoignages notamment d'enseignants à la retraite. Une bd émotionnelle pour compatir et pour se repentir. Très peu pour moi sur ce sujet précis, désolé !