Résumé: Bienvenue dans la Résidence Autonomie !Quoique le mot « autonomie » est un tantinet exagéré. En réalité, cet établissement pour personnes âgées est l'ultime étape avant l'entrée en Ehpad. Envoyé par Pôle Emploi, Marc apprend les fondamentaux du métier. Se chausser d'une paire de baskets, parler fort en entrant dans la chambre des résidents (il a parfois l'impression qu'ils se livrent à un concours de surdité) et ne pas oublier de mettre le frein sur un déambulateur (pour éviter les chutes, c'est mieux).Ensuite, il lui reste le plus difficile : gérer les relations avec les pensionnaires, entre ceux qui mettent la télé à fond, celui qui l'insulte et celui qui le drague gentiment, sans parler des embouteillages de déambulateurs devant l'entrée de la cantine (évidemment, ils ne sont pas équipés de marche arrière).Entre rire jaune et humour noir, Éric Salch, l'auteur des Look Book, lève le voile sur le quotidien des pensionnaires de ce type de résidence, dans une tragi-comédie qui nous tend le miroir sans complaisance de la situation des vieux... pardon, des « seniors » dans notre société.
«
Agent social dans une résidence autonomie, deux nuits par semaine à surveiller des personnes âgées, ça vous irait ?» Proposé comme ça, si gentiment, c’est difficile de dire non à Pôle Emploi. Marc H. embauche donc chez les «vieux» et après une formation expresse d'une paire de jours, il se voit confier la responsabilité d’une quarantaine de grabataires plus ou moins fonctionnels. La nuit, normalement, ils dorment, ça devrait être un job tranquille, n’est-ce-pas ?
Avant et dans les publicités, ce genre d’établissement s’appelait hospice (pour les pauvres) ou maison de retraite (pour ceux qui peuvent payer). Administrativement, elles sont classées sous le terme résidence autonomie ou RA. En se basant sur le témoignage de son pote Marc, Éric Salch raconte, sans filtre ni fioriture, cet endroit funeste et si négligé par une société obnubilée par le futur et la nouveauté. L’auteur du Lookbook et du Petit chemin caillouteux est un habitué de l’humour provocateur bête et méchant ; le pire et le mauvais goût étaient donc possibles et quasiment attendus. La bonne ou mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’a pas eu besoin de puiser bien profond dans son inspiration, tant la réalité s’est avérée ahurissante et révélatrice, pour ne pas dire choquante.
L'humour est la politesse du désespoir, rarement un aphorisme n’aura été si à propos. Peu courantes, en effet, sont les BD docu aussi hilarantes et désespérantes que Résidence Autonomie. En relatant simplement un quotidien éreintant, Salch aligne les situations - toutes réelles - les plus improbables et les plus incongrues. Le moindre incident dérisoire se transforme en affaire d’État et n’importe quelle fissure dans une routine, déjà chancelante au départ, provoque un cataclysme insupportable. Oui, c’est ça qui arrive quand les forces physiques et cognitives s’amenuisent. C’est humiliant et ça ne sent pas très bon. Que reste-t-il pour ne pas sombrer ? Le rire ? Même jaune et gêné, c’est mieux que rien. Et puis, avec un peu de chance, cela fera peut-être réaliser que le suivi des personnes du troisième âge devrait être au sommet de la liste des préoccupations de tout un chacun.
Ouvrage coup de poing, outragé, salvateur et cri du cœur, Résidence Autonomie est tout ça à la fois. Il s'agit aussi de l'un des albums les plus drôles de ces dernières années. Allez comprendre. Indispensable.