Résumé: Le très athlétique Jules Léotard, né en 1838 et mort en 1870, est l'inventeur du trapèze volant et plus particulièrement de la voltige entre deux trapèzes. Il portait le maillot collant inventé pour ses besoins, nommé depuis le « léotard » et utilisé par les hommes en gymnastique artistique.
Bien qu'il donne son nom à la bande dessinée d'Eddie Campbell et Dan Best, Jules Léotard meurt dès la page 13 du récit suite à un accident de voltige. Entre alors en scène son jeune neveu, Étienne, qui prend l'identité de son célèbre oncle ainsi que la direction de son bigarré cirque itinérant.
À partir de cet instant, la vie d'Étienne prend une tournure surréaliste au fil de ses déplacements en compagnie de cette troupe de cirque unique en son genre, peuplée de personnages ayant une très forte ressemblance avec les super-héros des temps modernes.
Les membres de la petite équipe vont vivre des aventures rocambolesques à travers l'Histoire : le siège de Paris par l'armée prussienne, l'exposition universelle de 1889, le vol de la Joconde, le naufrage du Titanic...
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ules Léotard (1838 - 1870), athlète-artiste inventeur du trapèze volant et du justaucorps qui porte encore aujourd’hui son nom, aurait certainement été un excellent sujet pour une biographie dessinée. Le XIXe siècle, les cirques, les voyages aventureux, tous les éléments d'un excellent album étaient réunis. Eddie Campbell et Dan Best ont préféré faire les choses autrement. En effet, le célèbre voltigeur tire sa révérence dès la onzième page et c’est son neveu, Étienne, qui prend la suite. Lui, qui jusqu'à présent balayait le crottin des éléphants, se retrouve brusquement au centre de la piste. Attention, Mesdames et Messieurs, le spectacle va commencer !
Histoire surréaliste sentant bon l’absurde et le picaresque, Le remarquable et stupéfiant Monsieur Léotard entraîne le lecteur dans une épopée fantastico-onirique hilarante. Semblant avoir été écrit à la petite semaine, ce récit rempli de dérision et de mise en abîme vertigineuses (« Espérons seulement que rien n’adviendra lors de notre prochain épisode », « Nous devrions peut-être passer à un autre livre ? ») cache sous son aspect foutraque une réelle réflexion sur les divertissements populaires, d’antan avec le monde forain, actuel avec les comics et, même de par un sous-entendu malicieux et discret, internet. Le scénariste s’amuse avant tout, mais, ici ou là, il titille aussi gentiment le lecteur. Le tout étant réalisé avec un talent et un humour extraordinaire, ce dernier lui pardonne immédiatement et de bon cœur avec ça.
Pour mettre en images cette fable que n’aurait certainement pas renié le regretté Fred, Eddie Campbell sort le grand jeu. Comme les déambulations improbables de cette compagnie invraisemblable, il déconstruit consciencieusement sa narration dans un florilège graphique continuel. Hors-textes incongrus, changement de styles, explosion de la mise en page, etc., tout y passe et des meilleurs. Cerise sur le gâteau, la maîtrise étant au rendez-vous, l’ensemble reste cohérent et totalement lisible. Que demander de plus ? Des références à gogo à la manière de son ami Alan Moore dans La ligue des Gentlemen extraordinaires évidemment ! Super-héros, littérature et, clin d’œil suprême, « Jacques L’éventreur » en personne, l’ouvrage regorge de renvois piochant autant dans la pop-culture que dans sa grande sœur plus officielle.
Lecture riche, jouissive et toujours inattendue, Le remarquable et stupéfiant Monsieur Léotard cultive l’esprit, charme petits et grands et fait même repousser les cheveux !