Résumé: D'origine roturière, Lakshmi Bai finit par devenir rani (ou reine) de Jhansi, un état princier de l'Inde du XIXe siècle. La plupart des contes de fées se seraient arrêtés là, mais pas celui de Lakshmi Bai. Cette ascension ne marque que le début de la vie remarquable de cette reine guerrière qui, avec son peuple, va devoir se confronter aux colons anglais.
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n 1840, Manikarnika, âgée de quatorze ans, vit au palais du Peshwâ Baji Rao II, dont son père, un brahmane, est l’un des conseillers. La jeune fille possède un esprit aussi fort que sa répartie est cinglante et passe beaucoup de temps avec l’héritier et son ami Ganesh, auprès desquels elle a grandi. Sa soif de justice se heurte aux exactions commises par les autorités britanniques qui se sont imposées dans tous les royaumes indiens. Mais pour être écoutée et agir, il faudra à Mani se hisser au sommet. La demande en mariage du Maharaja de Jhansi lui ouvrira l’opportunité désirée.
Arnaud Delalande et Simona Mogavino récidivent. Après les séries consacrées à Aliénor d’Aquitaine et Catherine de Médicis, le duo se penche sur la destinée d’une autre « Reine de sang » : la rani Lakshmi Bâî (1828-1858), figure vénérée en Inde pour sa résistance à la colonisation anglo-saxonne. Rodés à l’exercice collaboratif, les scénaristes offrent un récit documenté et prenant. Celui-ci débute en 1853, quand leur héroïne, tout juste veuve, est contrainte de quitter son foyer. Puis, il remonte le temps pour revenir sur les circonstances qui ont conduit la souveraine à ce moment. Le lecteur fait alors connaissance avec une adolescente vive et au caractère bien trempé. Il entrevoit, au gré des dialogues et des événements, la complexité des relations entre les princes locaux et la puissance occidentale qui tente de se tailler la part du tigre. À cette toile de fond politique dont les développements futurs sont perceptibles, s’ajoute la mise en scène de diverses coutumes hindoues : rituel du sati, tractations matrimoniales, système des castes… La narration est fluide, le rythme bon, toutefois certains ressorts et protagonistes paraissent convenus.
La partie graphique assurée par Carlos Gomez (au dessin) et Luca Saponti (aux couleurs) offre une plongée réussie dans les contrées lointaines de la péninsule indienne. La luxuriance de la jungle et les fastes des demeures des rajahs sont joliment rendus, notamment grâce aux détails minutieux du premier et aux nuances riches choisies par le second. L’alternance entre les cadrages serrés et les plans plus larges assurent une bonne dynamique, en permettant une immersion au plus près de l’action ou en invitant à prendre de la hauteur. Certaines séquences s’avèrent d’ailleurs particulièrement bien mises en image, comme celle de la plume de paon. Quasiment muette, celle-ci montre à la fois la quiétude d’un moment de méditation et une rencontre, en coulisses, déterminante pour l’avenir de l’héroïne.
Bien mené, ce premier tome ouvre agréablement la série Rani Lakshmi Baîî et donne envie de connaitre la suite du triptyque.