Résumé: Comment rêver dans le noir ?
Après un accident de voiture, Luc perd la vue. La lumière s'éteint brutalement sur sa vie. Désorienté, l'ambitieux jeune homme qui rêvait de devenir réalisateur n'a d'autre choix que de retourner chez sa grand-mère en attendant le diagnostic... Il s'engage sur le long chemin de la rééducation mais il est confiant, sa détermination l'a toujours mené là où il voulait, pourquoi cela serait différent cette fois ci ? Dans ce nouveau monde sans couleurs ni formes, chaque geste du quotidien devient un parcours du combattant. Porté par des projets plein la tête, Luc réapprend à marcher avec une canne mais se heurte rapidement à la réalité et aux regards des autres. Heureusement, il sait que cette situation est provisoire. À moins que... Le jour où la vérité éclate, tout bascule. Que se passera-t-il si Luc ne recouvre jamais la vue ? Que deviendra ce film qu'il n'a jamais tourné ? C'est le début d'une réflexion douloureuse. Mais c'est aussi l'heure du choix, car tout reste à réinventer. Alors que Luc est gagné par le désespoir, ses autres sens se développent, laissant entrevoir les contours et les saveurs d'un monde familier. Luc trouvera-t-il la force de porter un regard différent sur sa nouvelle condition et d'entrevoir un avenir ?
Vivre dans le noir est une expérience déroutante qui peut malgré tout s'illuminer de couleurs. À travers ce roman graphique d'une grande audace formelle, J. Personne emprunte des chemins de traverse pour mieux faire appréhender au lecteur la réalité de la cécité et reconnecte en partie avec son ancienne profession d'orthoptiste (spécialiste de la rééducation des yeux). Intime et engagé, Regards est aussi sensoriel et profondément humain. Après Nuages, l'auteur porte un regard sans fard sur la Société, les épreuves de la vie et nos limites qu'il repousse dans cette oeuvre conceptuelle, en noir et pop !
L
’histoire débute par un gaufrier presque entièrement noir. Puis Luc ouvre les yeux et l’obscurité persiste, seule sa silhouette apparait. Il est à l’hôpital suite à un accident de voiture et apprend qu’il a perdu la vue. Regards retrace le parcours de ce jeune aveugle qui va devoir apprendre à maitriser son handicap et faire confiance à ses autres sens.
Dessiner la cécité en bande dessinée est par définition un gros défi. La représentation est ici réussie, dans un premier temps en prenant le parti audacieux de laisser énormément de place au noir dans les cases et en ne montrant que les contours incomplets des gens et des choses perçus par le protagoniste. L’auteur intercale toutefois des flash-backs et des rêves qui cassent la monotonie du noir, cela facilite la lecture mais affaiblit aussi son choix formel et l’immersion du lecteur. L’usage des couleurs est une autre réussite de l’album; au fil des pages, elles se font de plus en plus présentes au fur et à mesure que Luc reprend la maitrise de son état, notamment en utilisant à bon escient ses autres sens.
Concernant le scénario, le récit est sur des rails connus et ne surprend jamais, alternant entre les phases de déni et d’acceptation, les joies et les peines de voir ses amis rester ou au contraire s'éloigner de lui. Le but est clairement de faire une bande dessinée la plus réaliste possible pour sensibiliser sur les enjeux des personnes aveugles. La démarche est intéressante mais un peu trop didactique pour emporter complètement l’adhésion. Parce qu’à vouloir brosser tous les aspects du sujet, l’ensemble des personnages secondaires croisés ont peu de place pour être développés et n’ont pas de vie à eux, chacun est là pour dire quelque chose de la cécité du héros. Ainsi, la solitude du héros est nettement ressentie à la lecture, mais beaucoup moins l’importance et la puissance de la solidarité qu’il reçoit et qui semble pourtant constituer le message principal dans cette histoire.
Regards est un récit intéressant sur le handicap qui permet de se rendre compte des difficultés rencontrées par les personnes aveugles. Malgré un scénario un peu trop classique, les bonnes idées graphiques rendent cette BD agréable à lire.