Résumé: Goblin est un dérangé qui diffuse sur sa chaîne des actes de tortures innommables à l'abri dans les zones d'ombre du Dark Web. Son public le soutient à coup de Bitcoin et de commentaires salaces. Davis Fairfield, lui, enterre sa femme et sa cadette renversées par un ivrogne et se retrouve en charge de sa dernière fille, Brianna. Vous n'êtes pas prêts pour cette Amérique dépeinte par Ed Piskor...
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auvre Davis ! Après une banale journée à essuyer les vannes bien lourdes de ses collègues, il apprend que sa femme et sa fille ont eu un accident de la route. Arrivé à l'hôpital, le médecin lui annonce que son épouse n'a pas survécu mais son enfant, Brianna, va heureusement s'en sortir. Commence alors une période de deuil difficile. Pour l'homme docile, cela passera grâce à son ordinateur, en visionnant quelques projets d'amateurs plutôt doués dans leur genre. Non rassurez-vous, rien de bien méchant.
Ed Piskor l'avoue sans complexe dans son introduction : « Je suis vulgaire par défaut. Je ne peux pas lutter contre ma nature ». Le curieux est donc averti, il va y avoir du gore et du malsain à l'ouverture de cette Red room. Il pourrait être dangereusement excitant de lire ce livre qui offre une approche frontale, directe et sans fard du sadisme et de la violence hardcore inhérents à l'univers du snuff-movie. Mythe ou réalité, cette pratique présume de l'existence d'un réseau interlope et clandestin de vidéos exposant la torture et le massacre de victimes anonymes, tout cela disponible sur le Dark web. L'auteur américain revendique de nombreuses influences dont James O'Barr (The Crow), Clive Barker, Alan Moore ou encore Stephen King. Dès les premières planches, l'attaque est brutale. Cependant, loin d'être racoleur, le scénario est très travaillé et construit, au cours de quatre chapitres, un univers qui constitue un tout. Ces perspectives différentes axées sur le phénomène présentent un hacker sans scrupule, des spectateurs pervers et blasés, des proies naïves et, surtout, les individus sociopathes aux commandes de ce commerce de l'atrocité. Si le schéma peut se révéler répétitif, l'artiste parvient à se renouveler à chaque épisode du fait de ce changement de focus : s'intéressant à la fois au devant et à l'arrière de la caméra, il se penche sur les instincts humains les plus primaires des détraqués dont le plaisir est proportionnel à la souffrance de leur prochain et à l'excitation de leur public. Ça tranche, c'est trash et sans triche, le lecteur en prend plein la tronche.
Le graphisme est d'excellente qualité, précis et réaliste ; rien n'est épargné ni camouflé. Les délires morbides sont au rendez-vous : dépeçage de membres, énucléation, éviscération etc... Le découpage - des planches bien sûr - est minutieusement étudié, comme en témoigne le bonus à la fin de l'ouvrage où l'auteur s'exprime sur la construction de son œuvre. La bichromie en beige et noir donne un rendu original, le rouge n'étant présent que sur les présentations de chapitre. La brutalité est crue et les mises à mort terriblement inventives, la faute aux spectateurs de plus en plus insensibles et avides de sensations extrêmes.
Le réseau antisocial est une œuvre viscérale et graphique qui exploite la mythologie de ces films très spéciaux afin de composer un univers horrifique sordide et défouloir, non dénué de réflexion cependant. Que les âmes sensibles s'abstiennent, ce n'est pas pour rien que cela a été Interdit de diffusion dans cinq pays. Il serait intéressant de prolonger l'idée en questionnant ton propre rôle, toi, le lecteur-voyeur...
Les avis
alexh1
Le 10/07/2024 à 01:38:29
On a ici du shlock gore, gratuit, violent, barbare, bon marché. L'auteur ne s'en cache pas. Il s'est inspiré des couverture de roman-chocs de son enfance pour son ouvrage. Mais est-ce que c'est si pire que ça?
Red Room imagine l'industrie qui se cacherait derrière ces fameuses Red Room sur le Dark Web. C'est en fait une collection anthologique de récits appartenant tous au même univers plus ou moins reliés ensemble et non-chronologique. Pensez à Sin City (les comics tout aussi bien que les films). Déjà là, c'est le genre de composition qui me parle naturellement.
Étonnament, j'ai trouvé le niveau de gore plutôt restreint pour ce que je m'attendais. Le focus n'est pas sur les scéances de torture en tant que tel (même si elles occupent une place de choix dans le récit), mais plutôt sur l'univers qui entoure celle-ci et qui leur permet d'exister. Quelque chose qui aurait pu être gratuit et conséquemment vide de valeur scénaristique s'en sort pas si mal finalement.
Scénaristiquement, bien entendu certaines histoire vont frapper plus que d'autres. J'ai bien apprécié l'analyse de l'auteur de ses propres récits inclus à la fin de l'édition que j'ai pu lire. Ça a dissipé certaines interrogations que j'avais à la fin de ma lecture, mais ça témoigne quand même d'une faiblesse à certains passages.
Artistiquement, c'est du Ed Piskor tout craché. Les dessins sont sublimes, très détaillés. J'aime l'absence de couleur. Je me perd dans les illustrations quelques fois en appréciant chaque détail. Je donnerais 5 étoiles facilement basé uniquement sur ça.
Bref, après avoir lu presque l'intégralité de Crossed, je n'ai rien rencontré ici qui pouvait me retourner l'estomac. Quand même, ça reste pour un lecteur averti.