V
ermont, 1963. Elie Miller, représentant en parapluies, est contraint de revenir dans le village de son enfance pour des raisons professionnelles. Dix années ont passé, et ce n’est pas de gaité de cœur qu’il retrouve ce coin où il s’était juré de ne plus remettre les pieds. Pour ne rien arranger, dans le car qui le ramène vers son passé, il fait la connaissance d'Aaron Willoagby, archiviste à la retraite et incorrigible bavard. Celui-ci lui explique que la tranquillité des lieux a été quelque peu secouée ces derniers temps par plusieurs décès qui, s’ils ont l’apparence d’accidents, n’en sont pas moins suspects du fait de leur nombre et de l’âge des victimes. D'autant que, dans le même temps, la guerre du Vietnam prélève aussi sa part d’enfants du pays. Petit détail, tous ces noms qui sont évoqués par le vieil homme ne sont pas sans réveiller le passé d’Elie. Egalement présent dans le bus, Doug Gillis, agent spécial du F.B.I., somnole.
La couverture, si elle offre un aperçu flouté de l’intérieur, ne trompe pas sur la saison. Dès les premières cases, le coup de pinceau de Gabriele Gamberini se fait plus précis et offre une exécution à l’acrylique tout en nuances sur les tonalités propres à l’automne et aux reflets de l’eau. Le résultat est en soi un ravissement et donne un caractère à la fois champêtre et réaliste à la campagne dans laquelle se fond le récit. Si le rapprochement avec l’atmosphère sombre et dérangée où Christian De Metter aime à batifoler est possible, tant Red brigde nage dans des eaux tout aussi troubles, la comparaison est inévitable sur le dessin et une certaine utilisation de la peinture. Cela, même si le cadrage de la dessinatrice italienne diffère avec des vues plus en profondeur. Les visages sont tout à fait expressifs, avec un petit côté pittoresque, et il est même cocasse, dans ce registre, de trouver de faux airs de Woody Allen au personnage principal qui, par ailleurs, a une psychologie qui n’est pas exempte de points communs avec celle de l’acteur. Tout juste est-il possible de regretter une gestuelle parfois comme « arrêtée sur image ».
L’histoire, scénarisée par Maryse et Jean-François Charles, entre dans le vif du sujet sans attendre, pour tout aussi rapidement se poser et prendre le temps de se perdre dans les méandres d’un village qui a ses charmes, ses mystères et son ambiance vérolée. Tout autant de petites branches auxquelles le malaise ambiant se raccroche, pour prendre assez vite ses marques avant de culminer dans un final à huis-clos qui sert de jonction avec le deuxième tome prévu pour conclure le diptyque. Les personnalités des divers protagonistes, second rôles compris, sont plutôt fouillées et concourent de manière tantôt amusante, tantôt malsaine, à la discrète étrangeté de l’ensemble. L’itinéraire que suit l’histoire lui confère une cohérence d’ensemble qui, si elle est absolument imperceptible à ce stade de la lecture, est inéluctable, tant ses fondations apparaissent comme solides. C’est là le gage que les explications qui seront fournies dans les dernières pages du second et ultime album seront en phase avec le tout. Dieu sait que c’est primordial pour ce type de récit qui joue en équilibriste sur la frontière ténue qui sépare réalité et imaginaire.
Véritablement prenant, Red brigde porte les stigmates d’un thriller réussi par sa narration et décalé par son décor, définitivement et délicieusement désuet.
Les avis
Sumtar
Le 27/02/2013 à 02:12:25
Excellente histoire que ce premier tome. Au niveau des dessins, Gabriele Gamberini possède un trait précis et réaliste