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aiju est le démon de la foudre. Il prend la forme d’un félin blanc et se love dans le nombril des femmes qui accouchent les jours d’orage. Lacérant les chairs, il s’empare de l’enfant à naître, de son âme et de sa destinée. Cette fois, l’enfant se fera « Chat-murai », rônin solitaire à la griffe aussi affutée que la plume. Un seul code d’honneur, celui du bushido, la voie du guerrier. Raiju, c’est l’histoire d’une vengeance et d’une malédiction.
En recréant l’ambiance du Japon médiéval, celui des contes et légendes, Stéphane Melchior-Durand et Loïc Sécheresse livrent un scénario solide puisant dans les codes narratifs et visuels du genre. Raiju emprunte ainsi aux techniques de l’estampe (Hokusai, Hiroshige…), au manga (Kazuo Koike en tête), mais aussi à la veine du cinéma d’exploitation, des films de la Nouvelle vague japonaise aux films et séries de chambara (Septs Samourais, Zatoichi...). Au fil de la narration, se glissent d’ailleurs quelques figures imposées - le vieux maître d’arme comme père de substitution, les soudards avinés à la solde d’un seigneur cruel et corrompu - et autant de clins d’œil que les connaisseurs tenteront de débusquer. De même et sans surprise, le duel final, sommet de bravoure et de chorégraphie, tiendra toutes ses promesses. On l’aura compris, l’intérêt de l’ouvrage ne réside pas tant dans l’histoire elle-même que dans la façon dont elle est conduite, dans la construction des planches et du récit. Ce qui importe, c’est la distance prise par les auteurs avec leur sujet, une forme de rupture ironique qui consiste paradoxalement en un retour aux motifs et aux compositions du passé.
C’est dans ce cadre que le dessin de Loïc Sécheresse trouve pleinement à s’exprimer. Laissant libre cours à son inventivité et à son humour, il parvient à retranscrire les contrastes et le rythme imposés par le récit, à décomposer les mouvements du corps, à mêler à la contemplation et aux composantes immuables du décor le fugitif déplacement du sabre. De même, réussit-il à figurer les intempéries avec une grande économie de moyen. Ainsi, la représentation du mouvement des eaux dont il saisit à la fois la pérennité et l’instantanéité par l’utilisation de lignes stylisées, de courbes ou de stries profondes. Aux moments d’apaisement,aux ambiances en retenue succèdent des scènes de tension, de pure action. Les planches se couvrent de caricatures, de grimaces et d’expressions saisies sur le vif quand le découpage joue sur les obliques ou les pleines pages. Enfin, et un rien déstabilisant au premier abord, le traitement émotionnel de la couleur s’avère le complément idéal de ce dessin souple et lâché. L’on devine, derrière la mise en scène et cette composition peu conventionnelle, les heures passées à s’exercer aux techniques de l’ukiyo-e, ces « images du monde flottant », comme à parcourir la Manga de Katsushika Hokusai, le chef d’œuvre du livre illustré de l’époque Edo.
Attention, talents !
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