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003. Alors qu’il s’apprête à s’envoler pour l’Australie, Ringo est rattrapé par ses vieux démons. Fuite ou confrontation ? L’histoire trouve ses racines en 1993 : alors à la fin de son adolescence, il tombe sous le charme d’Anne avec laquelle il partage une parenthèse faite d’insouciance et de moments heureux. La mère du jeune homme, Martha, est confrontée à la vision de ce bonheur insolent sous la couette de sa propre couche. Cet épisode léger en apparence ne manque pas de la rappeler à sa propre existence.
Ce qui était à la base un triptyque arrive en terre francophone sous forme d’un pavé d’un peu plus de deux cent soixante-dix pages. Trois tomes, un par protagoniste, avec en fil conducteur le voyage de Ringo. Dès les premières planches, le paradoxe entre l’apparente douceur du trait et la noirceur omniprésente s’impose. Tout au long de l’album, cette opposition sera exploitée par l’auteur néerlandais, Conz, en fonction de la tonalité du moment, capable de basculer sans prévenir, et cela avec violence. Ainsi, la première partie, celle concentrée sur Ringo, et notamment sur sa passade amoureuse avec Anne, est teintée de cette candeur propre à l’âge de tous les possibles. Ce n’est pas le cas de la seconde, beaucoup plus sombre, qui revient sur Martha à l’heure du bilan. La troisième est celle de l’arrivée du périple, il convient de ne rien en dévoiler.
Pendant cette décennie, entre 1993 et 2003, de l’eau a coulé sous les ponts, beaucoup. Au fur et à mesure que le récit avance, au rythme des allers et retours dans le temps, les voiles se lèvent un par un sur les couches du passé qui ont fait du présent de Ringo ce qu’il est actuellement, à la fois désespérément triste et empli d’un fol espoir. Le chemin sera long, le final incertain.
La grande lisibilité du dessin, la mise en scène du contenu des planches, offrent une véritable fluidité de lecture, aidée en cela par une construction d’apparence simple qui rend aisés les nombreux va-et-vient à travers les époques. C’est aussi dans cet esprit qu’il faut prendre les quelques symboles graphiques volontiers forts qui ont pour fonction de donner tout leur sens à telle ou telle séquence. Le cheminement semble donc gentiment balisé ; c’est habile, les embardées du récit n’en sont que plus violentes. En effet, le caractère « fleur-bleue » des premières pages cède petit-à-petit la place à de tout autres tourments, sans pour autant que le récit ne vire dans un registre strictement cafardeux, offrant au contraire son lot de portes ouvertes.
Un long entretien avec l’auteur, mené par Geert De Weyer, clôt l’ouvrage. Les quelques mots qui en sont extraits pour l’annoncer sont « Je prends la vie avec légèreté, mais j’aime inventer des histoires sombres ». Quelque part les étoiles est précisément situé dans cette veine, tout à la fois légère et grave. Dans l'interview, Conz dit aussi "La vraie vie, tu sais ?!".