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lors que Nick Poole, ancien sergent dans les S.A.S., se voit confirmer le poste de vigie trois, Tara Chace n’a pas encore terminé de pleurer les prédécesseurs de Nick, tous deux décédés en moins d’un an. Et ce n’est pas un séjour en Suisse, en compagnie d’une mère qui envisage d’épouser un homme ayant la moitié de son âge, qui va permettre à la jeune femme de remettre sa vie privée sur les rails. Surtout que sa carrière professionnelle n’attend pas et, à peine rentrée de ses premières vacances en quatre ans, Tara est envoyée sur une nouvelle mission d'importance nationale en compagnie du petit nouveau. Nigel McMillan, sous-directeur du DTI (Ministère du Commerce et de l’Industrie) a en effet été signalé à Saint-Petersbourg alors qu’il est sensé être à Paris avec sa femme. C’est amplement suffisant pour éveiller l’attention des agents de Sa Gracieuse Majesté qui se trouvent sur place. La machine bien huilée du S.I.S. (Secret Intelligence Service) est lancée, avec en ligne de mire un scandale qui pourrait faire vaciller le gouvernement anglais …
Après des missions périlleuses au Kosovo et en Afghanistan (Opération Terre brisée), le démantèlement d’un réseau terroriste (Opération Crystal Ball), une histoire d’espionnage industriel (Opération Blackwall), une vengeance personnelle (Opération Storm front) et une intrigue plus politique (Opération Dandelion), Operation Saddlebag constitue déjà l’avant-dernier volet (en date) de cette saga plus vraie que nature.
Si le petit détour helvète en début d’album permet d’explorer le fond familial de Tara Chase et la relation conflictuelle qu’elle entretient avec sa mère, cette histoire marquée par le retour de Steve Rolston (Opération Terre brisée) au dessin n’apporte cependant pas grand chose à la série. Heureusement, l’intrigue qui suit ce voyage loin du MI6 et de la pluie londonienne, renoue avec le récit d’espionnage haut de gamme, dans la lignée du reste de la saga. Greg Rucka (Gotham central) s’attèle de nouveau à développer tous les aspects de l’espionnage. Abordant avec une grande efficacité le côté passionnant et périlleux des actions de terrain, il n’en oublie pas pour autant de porter l’attention nécessaire aux coulisses, plus politiques, du décor. Le réalisme qui découle de cette immersion dans les zones d'ombre, là où l’avenir des pays et du monde se dessine, constitue l’un des points forts de Queen and Country. L’autre atout majeur est indéniablement le développement psychologique des personnages et cette capacité de l’auteur à faire déteindre les éléments de chaque enquête sur la vie privée de ses protagonistes. La douche froide que se prend Tara en fin d’album illustre d’ailleurs à merveille les répercussions émotionnelles du métier d’agent secret et fait ressortir toute la vulnérabilité de ce personnage féminin qui effectue toutes ses missions avec bravoure et un sens du devoir et du sacrifice, digne des plus grands serviteurs de la Reine.
Si c’est l’écriture intelligente et efficace de Greg Rucka qui constitue l’essence même de cette saga, le graphisme noir et blanc sans fioritures des différents dessinateurs parvient chaque fois à se mettre entièrement au service de l’histoire. Le travail de Steve Rolston et Mike Norton s’inscrit totalement dans cette optique et accompagne admirablement les sentiments des agents, tout en plongeant le lecteur dans une ambiance adéquate, qui vient parfaire l’impression de réalisme dégagée par l’histoire.
Offrant un habile mélange d’émotion, de diplomatie, d’action et d’espionnage, ainsi qu’une fréquence de publication soutenue, combinée à une qualité qui demeure au rendez-vous au fil de récits indépendants, Queen and Country est vraiment ce qui ce fait de mieux dans le genre.