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ien ne va plus au sein du S.I.S. ! Victime d’une attaque cérébrale, Sir Wilson Stanton Davies se retrouve paralysé sur la moitié du corps et est poussé à la retraite anticipée. Le candidat principal pour le remplacer à la tête du service n’étant pas un homme de terrain, cela n’annonce rien de bon pour Paul Crocker et sa bande. Le directeur des opérations est cependant bien décidé à protéger son poste et celui de ses vigies. Des agents qui n’ont pourtant pas le moral au beau fixe. Tom Wallace hésite à tirer sa révérence, tandis que Tara Chace n’a toujours pas accepté la mort de son collègue Brian Butler, décédé durant leur dernière opération secrète en Géorgie.
Au fil des tomes Greg Rucka (Gotham central, Whiteout) s’emploie à développer tous les aspects de l’espionnage. Après des missions périlleuses au Kosovo et en Afghanistan (Opération Terre brisée), le démantèlement d’un réseau terroriste (Opération Crystal Ball), une affaire d’espionnage industriel (Opération Blackwall) et une histoire de vengeance personnelle (Opération Storm front), Opération Dandelion développe une intrigue plus politique. Délaissant le travail de terrain, l’auteur entre ici dans les coulisses du pouvoir, là où l’avenir des pays et du monde se dessine. La véritable action, plus psychologique, se déroule donc au quartier général des agents britanniques. Chacun y bouge ses pions, motivé par des raisons aussi multiples que malsaines. Une lutte intestine qui a inévitablement ses répercussions sur le terrain.
Outre l’habile combinaison d’émotion, de politique, d’action et d’espionnage, ainsi qu’une légère touche d’humour, c’est surtout l’environnement ultra-réaliste dans lequel évoluent les protagonistes qui caractérise cette saga couronnée d’un Eisner Award en 2002. A mille lieues du glamour et des gadgets high-tech de 007, le plus célèbre des agents de la Couronne, le monde de l’espionnage dépeint par Greg Rucka s’avère complètement pourri et le quotidien décourageant des agents fait finalement ressortir toute l’ironie du titre de cette saga.
Si le principe de cette série repose sur des récits indépendants, l’évolution psychologique des personnages au fil des aventures constitue cependant l’un de ses principaux intérêts. Coupes budgétaires, problèmes de recrutement, difficultés avec la hiérarchie, relations tendues et visites de condoléances aux familles de collègues font parties des obstacles journaliers rencontrés par les membres des sections spéciales britanniques. Les protagonistes ne sont pas des superhéros, mais des gens qui doivent faire face à une réalité que le commun des mortels ignore. Comme dans son autre série, Gotham central, l’auteur impacte la vie privée de ses acteurs des caractéristiques propres à chaque enquête.
A l’instar de ses prédécesseurs sur les quatre premiers tomes, Mike Hawthorne livre un graphisme noir et blanc sans fioritures. Si certaines cases ne sont pas parfaites, l’ensemble place cependant le lecteur dans l’ambiance adéquate, venant parfaire l’impression de réalisme dégagée par l’histoire. En multipliant les non-dits, les regards implicites et les longues pauses, le dessinateur accompagne également admirablement les sentiments de ses protagonistes.
Reléguant James Bond dans un rôle d’usurpateur, cette fiction ultra-réaliste de Greg Rucka continue de ravir les amateurs de récits d’espionnage avec une fréquence de publication soutenue et une qualité qui demeure au rendez-vous.
>>> Lire la chronique du tome 2, Opération: Crystall Ball.
>>> Lire la chronique du tome 3, Opération: Blackwall.
>>> Lire aussi la chronique du premier tome des dossiers déclassifiés.
Les avis
voltaire
Le 28/09/2008 à 20:16:36
Il est préférable d'avoir lu les albums précédents pour aborder celui-ci car il y est fait allusion à différents personnages morts en service. Cela étant, ce n'est pas non plus une nécessité tant la narration est fluide.
Mais fluide ne veut pas dire simple car nous sommes dans le monde des services secrets et donc des coups fourrés.
Ceux qui aiment les actions musclées passeront leur chemin car il est ici plutôt question de politique d'entreprise, d'arrivisme et de jalousie. Mais avec la touche opération spéciale bien sûr.
Bref, nous sommes davantage dans le monde de Harry Palmer que dans celui de James Bond. Mais quel régal, quelle justesse dans l'analyse de ces Rastignac de l'espionnage !
Seul le dessin n'est pas vraiment à la hauteur de l'enjeu.