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épassés par les vieux, rattrapés par les jeunes, certains trentenaires ou quadragénaires semblent complètement paumés. Plus benêts qu’à 12 ans lorsqu’ils tombent amoureux, inaptes lorsqu'il s'agit d'assumer sereinement leurs devoirs de parents de famille « décomposée », incapables majeurs lorsqu’il s’agit d’avoir une approche rationnelle du web. Heureusement, leurs enfants paraissent souvent plus mûrs qu’eux et font preuve d’une belle faculté d’adaptation.
Après un intermède de 20 ans, c’est avec plaisir que ‘l’on a retrouvé Frédéric Jannin fin 2004 avec une nouvelle série Que du bonheur ! Pour les lecteurs de l’hebdo Spirou, le souvenir de Germain et nous ressurgissait, évoquant mille souvenirs, surtout pour ceux qui se débattaient avec leur adolescence dans les années 80. Ils ont vieilli, ont aimé, sont parfois devenus parents, ont connu des difficultés dans leur couple. Ils ont vécu quoi. Ils, ce sont à la fois les lecteurs et les personnages évidemment. Pour brocarder ces adultes qui peinent à remplir leurs obligations et qui s’adaptent moins bien aux situations que leur progéniture, Jannin choisit deux angles qui lui paraissent hautement caractéristiques d’une partie de notre société : la famille éclatée-recomposée-juxtaposée et la dépendance à internet.
Pour être réducteur et se limiter à certaines pages, c’est comme si ceux qui ont échoué dans une relation engagée selon les rituels du siècle dernier cherchaient une planche de salut avec les outils modernes. Résultat : ils sont souvent à côté de la plaque. Avec leurs gosses et dans leurs relations aux autres en général. L’auteur ne donne pas dans l’exposé de sociologie, dumoins dans le ton. Non, une bonne succession de gags qui rebondissent les uns sur les autres, qui jouent à faire de l’écho pour enfoncer le clou, qui donnent dans l’aigre doux plutôt que dans le mordant ou le moralisateur. Et c’est autrement plus efficace.
Un peu comme si rien n’avait changé depuis tout ce temps, depuis Germain. Et pourquoi changer au fond ? Le disciple-héritier de Franquin et père spirituel de Zep (au diable l’avarice en matière d’étiquettes !) joue du même savoir-faire. Le trait n’a pas bougé, la construction des scènes non plus. L’issue de la planche est parfois prévisible dès la 3ème case, les situations s’appuient tellement sur une certaine réalité que la critique n’est pas ébouriffante d’originalité mais le plaisir est là. Le plaisir d’avaler avec gourmandise cette suite de saynètes présentées par un conteur familier, le (dé)plaisir de se reconnaître dans des personnages évidemment un peu ridicules, le plaisir de sourire parce que c’est drôle aussi bien sûr. Et enfin celui de ranger cet album comme s’il s’agissait d’un album-photo. Celui d’une époque vue par un auteur. Avec la ferme intention de le reprendre plus tard, comme on le fait aujourd'hui avec Germain et nous. Pour se souvenir en se marrant, tout simplement en se disant « ouais, il y avait de ça ».