Résumé: Changer de vie comme on change de couleurs.
Grégoire et Pierre sont deux amis étudiants qui, le temps d’un cours, échangentleur identité pour améliorer leurs moyennes dans les matières que chacun des deux maîtrise. En suivant les cours dans la fac de l’autre, ils y rencontrent quatre femmes, sous le signe des quatres couleurs du bic du même nom.
Noir pour Chloé de Jais, l’ex du cynique Grégoire, qu’il a traumatisé sans mêmesans rendre compte, Vert comme les lunettes de sa troublante enseignante, Rouge comme la cheveleure de Mathilde dont Pierre tombe amoureux et qu’il séduitsous l’identité de son ami et Bleu comme cette brune mystérieuse que ne cesse de croiser Grégoire.
Chloé, toujours amoureuse, une romance qui commence sous le sceau du mensonge, un accident et l’histoire sans conséquence va alors prendre un tour beaucoup moins anodin... La chronique au bic d’un échange d’identité qui tourne mal.
B
laise Guinin s’est lancé un défi : réaliser une bande dessinée uniquement à l’aide d’un Bic quatre couleurs. D’où le titre, vous l’aurez compris. Au-delà de la ‘prouesse’ recherchée, quel intérêt porter à cet album qui voit deux amis échanger leur identité pour passer un examen l'un à la place de l’autre ?
Tout d’abord, il y a en permanence dans le récit cette volonté d’insister sur les quatre couleurs en question, comme autant d’entames de chapitre et de moyens d’accorder l’histoire au concept de départ. Il faut bien reconnaître que cela fonctionne, la méthode semblant inspirer plus que brider l’auteur. Malgré tout, l’impression d’artificialité reste présente, comme si, au fond, le lecteur sentait confusément que tout cela était un peu vain. En dernière instance, difficile d’affirmer que le tout y gagne en profondeur.
Ensuite, il y a un rendu graphique qui se démarque du reste de la production, avec en plus une réelle efficacité dans la narration. Tout s’enchaîne très bien, à vrai dire, et le suspense est assez habilement entretenu. Le mérite de Blaise Guinin est de ne pas se borner à un exercice de style formel, greffant à sa démarche un déroulement maîtrisé à défaut d’être vraiment novateur. À ce titre, on pourra regretter que l’originalité du procédé ne trouve pas un plus grand écho dans le propos.
Enfin, les dialogues témoignent d’une grande méticulosité : les personnages s’expriment réellement devant leur public, avec naturel et crédibilité. La mise en scène fait le reste et rend la lecture très fluide.
Que dire pour conclure ? Sans doute que le challenge est relevé de belle manière, mais que, malgré ses qualités, Quatre couleurs reste au rang de la curiosité amusante.
Les avis
Arkadi
Le 24/09/2025 à 06:34:55
Grégoire est un sale con. Il l’était déjà, il l’est et le restera. Et autour de lui gravite des personnages qui portent tous des ombres. Chloé, par exemple, sait que Grégoire est le pire des cons mais ne veut pas y croire (car son existence de femme aurait débuté par un mensonge et, de cela, elle ne peut s’y résoudre). Pierre accepte un marché par lâcheté (il ne sait pas dire non) Et d’autres personnages tournent autour de lui qui savent vexer, voire même humilier. Reste une rouquine qui, elle, sera la probité à tout épreuve (la valeur étalon de toutes ces sinuosités de vie malodorantes)
Et l’histoire se clôturera par une tragédie.
Blaise Guinin nous offre une narration qui semble linéaire mais qui ne l’est pas, qui semble conceptuel (dessiner tout l’album avec un stylo 4 couleurs) et qui l’est certes mais qui est surtout d’une humanité de tous les jours, d’un entremêlement humain des sentiments quotidiens.
Il structure son propos par des objets des couleurs mais tout cela n’est que prétexte. Il y a beaucoup de force dans la narration, il y a beaucoup de tension. Que le titre soit à la fois la manière de dessiner et de colorier ainsi que le fusil de Tchekhov essentiel au dénouement est déjà très fort. Mais que les rapports humains entre les personnages soient si palpables est une réussite.
Surtout que la colonne vertébrale de la narration est un sale con. On est dans sa tête, dans ses fantasmes (et les planches de nues sont d’un érotisme superbe et pervers), et dans ce « je-m’en-foutisme » sidéral et agressif.
Les dessins racontent l’histoire sans chichi ni tralala. Ils sont maitrisés et inventifs.
J’ai adoré
Erik67
Le 30/08/2020 à 20:53:44
On se rappelle tous de ce fameux stylo où l'on pouvait choisir quatre couleurs à savoir le noir, le bleu, le vert et le rouge.
Noir comme le téléphone portable.
Bleu comme le fond de la piscine municipale.
Vert comme le délicieux regard de la prof.
Rouge comme le sang de cette étudiante qui se serait jetée du 6ème étage de la faculté.
Nous suivons un jeune étudiant du nom de Grégoire qui flambe ses études et son avenir sans être capable de prendre sa vie en main, qui passe ses soirées à boire et ses journées à cuver. Pitoyable et pas original. Il est juste à l'image de la société qui l'a engrangé : vide et sans valeur.
Quatre couleurs est une véritable surprise malgré un graphisme assez minimaliste se basant sur les traits hachés de ces quatre couleurs. C'est superbement bien orchestré jusqu'à un final époustouflant. Cela fait partie de ces découvertes au gré de lecture pas forcément voulue. Cette oeuvre millimétrée et très subtile mérite toute notre attention. Une bonne idée qui a été exploitée pour le meilleur.