Info édition : L'ISBN/EAN 9782810208219 imprimé en couverture est erroné. Une étiquette vient couvrir celui-ci avec le bon
Résumé: Février 2017, Irina, une adolescente de 15 ans, est retrouvée morte dans son lit. Les autorités concluent à un suicide, et l'affaire semble rapidement classifiée. L'inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo sont en charge de l'affaire, mais ils ne sont cependant pas convaincus par cette théorie. Aussi, lorsqu'ils retrouvent dans la tablette de la jeune fille des photos d'elle nue et un lien avec un mystérieux photographe érotique, l'enquête prend soudainement une tournure glaçante. Miguelanxo Prado, après Proies faciles T1, revient avec un nouveau polar social froid et dur, réalisé avec toute la maestria qui le caractérise.
I
rina, quinze ans, est retrouvée morte, enfermée dans sa chambre. Suicide tragique d’une adolescente en mal de vivre ? C’est ce qu’indique la situation. Alors que le dossier était en train d’être clos, l’inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo ont rapidement des doutes. Appelez ça l’instinct du flic ou la conscience professionnelle, mais des petits trucs ne collent pas. Une rapide enquête auprès des amies de la victime et au sein de son école suggérerait même un crime d’une autre envergure. Sextortion, pornographie juvénile, drogue… Face à ces questions, un complément d’information est décidé…
Sept ans après Les hyènes, Miguelanxo Prado propose une nouvelle aventure de Tabarès et Sotillo. Véritable polar noir respectant à la lettre les exigences du genre, Vautours sert surtout de prétexte pour explorer et dénoncer les pires penchants de la société. L’affaire est sordide et les parties prenantes guère plus reluisantes. La volonté sans faille et la soif de vérité de deux flics – les derniers remparts face au chaos ? - seront-elles suffisantes afin de voir les vrais coupables condamnés ? Pour une enquête bouclée, combien d’autres laissées sans suite ? Dicté par la colère et le dégoût, le scénario ne fait pas dans les détails et la longue pêche aux indices ainsi que la remontée difficile des pistes se montrent âpres et sans concession.
Autour des procédures et des interrogatoires, «l’emballage» narratif pêche, malheureusement. La ville et la société sont absentes, quant aux relations qu’entretiennent les deux collègues, celles-ci se limitent à un strict minimum caricatural et le simple prétexte pour des pauses entre deux révélations. Tel un film mal monté ou des acteurs ne comprenant pas trop où le réalisateur veut les mener, l’ouvrage manque d’unité et de direction. C’est d’autant plus regrettable qu’aux pinceaux, Prado rend une copie puissante et parfaitement en accord avec les enjeux en présence. Ambiance brouillardeuse, voire cafardeuse, rien ne semble pouvoir lever ce voile accablant qui englue ces individus et cette société en perte totale de repères. Découpage maîtrisé et mise en page limpide, l’auteur d’Ardalén fait une fois de plus la démonstration de son immense talent.
Album coup de poing totalement justifié, Vautours souffre un peu de la volonté de dénonciation frontale de son récit. Le cri du cœur est évidemment compréhensible et louable ; dommage cependant qu’il se fasse au détriment de la nuance et témoigne d’une certaine simplicité ou naïveté dans sa construction dramatique. Cela dit, ce deuxième tome de Proies faciles est une lecture prenante qui devrait séduire les amateurs de thrillers contemporains.
La preview
Les avis
Shaddam4
Le 19/03/2024 à 13:43:01
Nouvelle découverte pour moi cette année avec cet album dont la couverture aussi grise qu’expressive m’a attiré. L’espagnol Prado est un auteur installé avec une carrière qui remonte aux années quatre-vingt et a déjà travaillé sur Sandman avec Neil Gaiman.Vautours est le second one-shot sur les enquêtes des inspecteurs Tabares et Sotillo, après un premier tome paru en 2017. Cette fois l’auteur passe en couleur directe (le précédent était en NB), ce qui donne beaucoup de profondeur à ses planches qui restent dans une grisaille reflétant l’âme humaine et l’état d’esprit de ses personnages.
Le concept de la « série » repose sur des enquêtes policières très classiques dont sont victimes des personnes en situation de faiblesse. Après les petits épargnants voici le thème des pédophiles et des réseaux où la bourgeoisie espagnole est impliquée. Ne se drapant pas dans de la fausse pudeur, l’auteur transpose sa révolte dans les idées marxistes de son inspectrice, la très froide mais très humaine Olga Tabares dont le duo avec son acolyte fonctionne à merveille dans de fréquentes joutes où l’on devine un amour platonique effleuré tout en pudeur.
La forme est celle d’un polar social, rugueux, technique, cette remontée de pistes, de fausses pistes et d’interrogatoires où la précision documentaire de la procédure (on est proche des albums de Scala et Eacersall) joue beaucoup dans l’immersion du lecteur. Si on pourra regretter le voile de grisaille qui habille l’ensemble des sublimes planches de Prado (qui est un très grand dessinateur en plus d’être un coloriste appliqué) et un lettrage très informatique peu élégant, le scénario est remarquablement construit en plusieurs phases et plusieurs temporalités croisées. Lorsque les coupables sont (assez vite) découverts, vient le temps de comprendre la profondeur de la corruption qui aboutit à cette mort. Le dessinateur n’implique la pauvre victime que quelques cases en début d’album, évitant le pathos pour se concentrer sur son enquête et les coupables. Cela aurait pourtant pu apporter une touche d’humanité à ce sombre récit proche du nihilisme. Heureusement les personnages du commissariat et de la procédure dans le sens large, mais aussi les pitoyables criminels sont très crédibles et aux interactions subtiles.
Vautours est donc un très chouette récit policier rugueux dont les protagonistes donnent très envie de suivre de prochaines enquêtes tant ils réussissent leur passage dans le monde des policiers récurrents. En espérant un délai moins long qu’entre les deux premiers volumes.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/03/16/proies-faciles-2-vautours/