Résumé: Dans un futur proche mais indéterminé, « L’Agence » cherche à récupérer un prototype de la machine EP1 (Elephant Program One) dérobé par une jeune femme, Anna, pour le compte d’une agence rivale, la NAIA. De son côté, une organisation criminelle tente de doubler la NAIA par le biais d’un agent infidèle. Le boîtier EP1 n’est pas seulement l’enjeu de cet affrontement entre trois redoutables puissances puisque, couplé à un boîtier jumeau, il est aussi l’arme essentielle de cette lutte : le module ainsi constitué force, scrute, inspecte les souvenirs enfouis des agents branchés aux machines, moissonne de l’information mémorielle et dévoile des champs mentaux inexplorés… Per Esperen, un responsable technique de l’Agence qui supervise la recherche de l’EP1, contribue à brouiller un peu plus les pistes. Progressant sous un masque impassible, il agit en franc-tireur avec l’espoir de trouver refuge dans l’espace mental révélé par les machines.
De flash-back en fantasme, de rêve en souvenir, de glissement en faux raccord, toute certitude positive, tout repère se délite : Le Programme Immersion est un récit-piège où le lecteur se trouve, en tous sens du terme, captivé. Ayant hacké sa propre intrigue, le récit suit ses personnages dans leur néant, explore leurs relations autant qu’il les distord, fouille leurs consciences, et de loin en loin dysfonctionne, au gré d’amples oscillations paranoïaques.
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'EP1 (Elephant Program One) a de quoi attiser l'appétit des différentes agences de renseignement de la planète. Pensez-vous, une sonde cérébrale capable d'aller explorer la mémoire consciente et inconsciente d'un individu ! Et si le subconscient était le nouveau terrain d'affrontement des George Smiley de tous bords ?
Le programme immersion mêle habilement le récit d'espionnage classique à une science-fiction tout aussi traditionnelle. Le scénario, très typé année cinquante avec ses agents en gabardine tout droit sorti d'un roman de Graham Green ou de John Le Carré, joue avec les stéréotypes tout en y ajoutant une dimension fantastique. En effet, la majorité de l'action se déroule dans un univers parallèle : la psyché des protagonistes. De plus, Léo Quievreux s'amuse à emberlificoter les choses alors que de plus en plus de protagonistes se retrouvent branchés sur la fameuse machine. L'histoire se mute alors en un labyrinthe psychologique rappelant autant David Lynch que Charles Burns ou Daniel Clowes.
Les illustrations reposent également sur ce modèle mêlant les styles narratifs. L'approche de Quievreux s'avère très travaillée, étudiée même. Les noirs et les blancs sont francs et occupent l'espace dans une volonté d'esthétique globale. Il en résulte une certaine sévérité un peu rébarbative. Par contre, le dessinateur a semé de nombreux hommages au monde de la bande dessinée. Au déjà mentionné Charles Burns, l'amateur reconnaîtra certainement les clins d’œil lancés à Hergé, Tardi et quelques autres. Ces vignettes, sorties du vécu de l'auteur plutôt que des souvenirs des personnages, ajoutent un niveau de lecture complice bienvenu.
Album ambitieux et finement réalisé, mais abusant des ficelles du genre, Le programme immersion peine pourtant à convaincre totalement.