Résumé: C’est un peu comme si Aurélie William Levaux (ou AWL pour les flemmards) avait décidé de se réapproprier le terme fourre-tout de roman graphique ; « graphique » le travail d’AWL l’est assurément, et sa technique si particulière, mélange de broderie et de peinture sur tissu, fait toujours aussi merveille. Mais dans Sisyphe, les joies du couple, AWL s’est également attachée au verbe, dans un texte qui décrit, avec la plus grande minutie et beaucoup de justesse, un certain versant de ce que peut être la vie à deux – et c’est là que l’on retrouve l’aspect « roman » du projet. Le rapport entre le texte et l’image dépasse alors le pur cadre de l’illustration, et à travers la juxtaposition, la confrontation, devient créateur de sens. Quant à Sisyphe, il semble que ce soit ainsi qu’AWL conçoive la vie en couple : un cycle qui se répète, selon une matrice invariable faite de disputes, de séparations et de réconciliations. Elle montre ainsi la complexité des sentiments qui s’expriment dans cette étrange et pourtant si commune formule qu’est le couple, une formule faite d’abnégation et de renoncement, mais aussi d’élan et de spontanéité, de colère et d’envie, de désir et de mépris, de douceur et de violence, de calcul et d’abandon – comme si l’amour était là pour que s’exprime en nous chaque sentiment imaginable, sans souci de cohérence, passant ainsi sans cesse d’un extrême à un autre. Il y a ainsi quelque chose de presque définitif dans cette évocation d’un couple en guerre, et qui permet à AWL de signer son livre le plus beau et le plus fort à ce jour.