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n plus de trente-cinq ans de carrière, François Boucq s’est illustré (!) et imposé comme un auteur qui compte dans à peu près tous les domaines (humour, SF, western, etc.). Travailleur infatigable, outre la bande dessinée classique, il a également œuvré dans le monde de l’illustration et, récemment, dans le dessin politique et d’humeur. Prenant la suite d’Un point c’est tout ! (Casterman, 1993), Portrait de la France propose un aperçu de ces travaux moins connus du créateur de Jérôme Moucherot (qui, rassurez-vous, est évidemment de la partie).
Comme son titre l’indique, ce florilège prend la forme d’un pseudo-essai à propos de l’état politico-social de l’Hexagone. Discussions dignes du Café du Commerce, réflexions plus ou moins habitées, désarroi de l’artiste face aux dérives de la société, etc., l’ouvrage laisse une large place au pessimisme et, plus largement, à un certain dégoût du genre humain. Au lecteur de décider s’il partage ou non cette vision bien sombre du quotidien. Globalement, malgré les provenances très diverses des récits le composant (presse, commercial, collectif, galop d’essai sans suite, etc.), l’album s’avère très bien édité. Les différents chapitres s’enchaînent presque logiquement et donnent, nonobstant le côté disparate de ses origines, une allure de « vrai » livre à l’ensemble.
Par son contenu et sa composition, l’ouvrage permet aussi d’observer de très près les approches graphiques préférées du dessinateur. En effet, tant par les formats que les techniques en présence, toutes les facettes du talent graphique de Boucq sont présentes. Le résultat est grandiose ! Découpage et mise en scène savantes, personnages aux faciès improbables, triturage constant de la perspective, le style est immédiatement reconnaissable, mais, dans le même temps, semble toujours en recherche et en mouvement.
Constat sans concession, mais pas dénué d’ironie – les amateurs d’absurdes seront comblés -, Portrait de la France est une œuvre très personnelle et complètement aboutie.