Cette version du conte est courte (22 pages), et donne une impression contradictoire de légèreté extrême (phrases simples, dessins présentant des physionomies proches de celles connues dans l'enfance, comme le chat, l'oiseau et l'enfant) et de complexité et de profondeur tant les dessins, aux couleurs pleines, fortes, sombres, donnent un relief rare à l'histoire.
Jusque là Prado ne s'était pas aventuré dans le récit pour enfants ; par cet album il semble viser deux publics : adultes et enfants, en souhaitant fournir pour ceux-ci des souvenirs pour leur avenir, comme lui-même en a du temps où on lui contait Pierre et le Loup. De cette ambivalence - deux publics fort différents - il réussit à faire un album riche, précisément, et qui peut ravir les deux publics: limpidité de l'histoire et atmosphère sombre suggérée par les couleurs donnent aux enfants, en effet, une sensation qui, me semble-t-il, doit être très forte ; et le travail de profondeur du dessin, de sa complexité malgré sa simplicité apparente, qui apparaît par exemple dans les flous inspirés de la photographie, ravit aussi l'adulte : qualité du travail, sérieux, et aussi intérêt de suivre l'évolution picturale de l'auteur.
Donc, court mais bon, très bon.