L
égende du rugby local, Bob a formulé le souhait d’être enterré « à domicile », dans la pelouse du stade qui a vu ses faits d’arme. Un enfant cloué au lit par des doses quotidiennes de valium commente ce qu’il voit et imagine la vie de sa mère, celle-là même qu’il aime tant. Une cassette vidéo trouvée dans une décharge et dont le contenu figé sur une porte close a de quoi dérouter, et pourtant...
Ce recueil de courtes nouvelles est un condensé de contrastes, tant dans la forme que dans le contenu. D’un côté, la rigueur d’un immuable gaufrier de trois par trois sert avec à propos le caractère inéluctable des scénarii imaginés. De l’autre, la liberté d’un trait oscillant entre effleurement subtil et brouillon nerveux décline une savante gamme d’émotions. Le ton assez libre s’adapte donc avec aisance à son sujet et donne à l’ensemble l’apparence d’un tout sans queue ni tête. Apparence trompeuse, car derrière ce maelstrom des thématiques, chaque histoire revêt un caractère profondément humain qui confère à Pièces obliques une véritable cohérence de fond. Absurdité, souffrance, hésitation, poésie, dérision, … autant de chemins, parmi tant d’autres, qu’empruntent les personnages de Jean-Marc Pontier, perdus dans leur solitude, dans une logique qui n’est que la leur, si ce n’est celle du narrateur. C’est d’ailleurs là tout le jeu.
Cet album a l’aspect d’un kaléidoscope de diapositives en noir et blanc agencées avec minutie, avec un côté très sombre qui s’impose comme une évidence. Puis, en y prêtant attention, une impression de folie (les méandres de la pensée ?) se dégage de ces cases regorgeant de symboles, et dénaturant les faciès pour, petit à petit, les réduire à leur plus simple expression et en extraire l’essentiel. Pour autant, c’est avec une certaine empathie que l’auteur aborde le petit théâtre de la vie. Il ne laisse la gratuité s’installer que rarement, usant si nécessaire de voies détournées pour s’attaquer à l’indicible. Le cours tranquille de ses récits, portés par la justesse du texte, offre une lecture des plus plaisantes. Certes, tout n’est pas égal, comme en témoigne le parallèle éculé tenté dans La croix, qui confine à la facilité, mais ce recueil se révèle globalement de très bonne facture. Le déroulement, parfois entendu d’avance, parfois chahuté par une chute déconcertante, apporte ce qu’il faut de densité au contenu pour rassasier bien des lecteurs.
L’impression d’en être, même de manière fugace, prédomine tout du long de l'ouvrage. Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce que Pièces obliques dissimule en son sein une bonne part d’humanité.