Info édition : Couverture souple avec rabats. Un texte de Julie Cloarec-Michaud, docteure en philosophie, clôt cette BD loufoque en démontrant par l’exemple les liens étroits qu’entretiennent la philosophie et l’humour. Abdel de Bruxelles, François Ravard, Pascal Rabaté, Jean-Denis Pendanx et Pierre Maurel illustrent le cahier de fin d’album.
Résumé: Figurez-vous une savane monochrome où des philosophes sont réduits à l’état sauvage, errant dans leur plus simple appareil. La philosophie dans la savane vous embarque dans un safari délirant où les grands noms de la philosophie classique luttent pour leur survie. Devenus les proies de braconniers, ces philosophes sont coincés entre pratiques archaïques et déboires de la modernité. Dénudés et amputés de leur dignité, Marx, Descartes, Freud, Foucault, Platon – et bien d’autres ! – poursuivent tant bien que mal leurs pérégrinations philosophiques. Mêlant époques et théories, ce récit irréaliste met en scène avec humour l’impossibilité d’appliquer la philosophie à toutes les situations du réel. Le discours oscille entre tirades et dialogues de série B, avec l’absurdité nécessaire pour donner du sens à ce qui n’en a point. Un texte de Julie Cloarec-Michaud, docteure en philosophie, clôt cette BD loufoque en démontrant par l’exemple les liens étroits qu’entretiennent la philosophie et l’humour. Abdel de Bruxelles, François Ravard, Pascal Rabaté, Jean-Denis Pendanx et Pierre Maurel illustrent le cahier de fin d’album.
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our certains, la vie est une jungle. Pour Emmanuel Moynot, ça ce serait au Serengeti que tout se décide. Le berceau de l’Humanité, les premiers hominidés, l’origine des hommes, depuis la découverte de Lucy : c’est par là que tout aurait commencé, aiment à rapporter les archéologues. Ce n’est pas exactement le propos de La philosophie dans la savane, l’étrange projet de l’auteur de No direction.
Pamphlet sur fond de philosophie et de fin des temps spéculatifs, l’ouvrage parle plus d’un crépuscule que d’un commencement. Rassemblés dans le plus simple appareil au sein d’une réserve naturelle spécialement créée pour eux, les penseurs (de Platon à Foucault en passant par Spinoza, Marx ou Sartre, ils ont tous répondu présents) s’ébattent et débattent au milieu des hautes herbes. Ils s’imaginent en sécurité, mais des braconniers ont déjà entamé leur traque. Peut-on encore discourir et être entendus sans risquer sa peau ? Oui, non, pourquoi et comment. Ce ne sont pas les interrogations et les doutes qui manquent. D'ailleurs, un dernier colloque est prévu autour d’un point d’eau en début de soirée. Les pour, les contre et les peut-être arriveront-ils à accoucher de nouveaux préceptes sous l’arbre à palabres ? Le lieu et l’heure sont également connus des chasseurs de trophées et des autorités… La réflexion et le débat pourrait bien se transformer en sports extrême.
Si Moynot s’en tire avec une série de pirouettes et énormément d’humour noir (cf. la postface savante de Julie Cloarec-Michaud), il fait surtout preuve d’un terrible pessimisme sur la nature de ses contemporains. Post-vérité, fake-news et complotisme, personne ne peut vraiment lui en tenir rigueur. Les faits sont là et, comme pour les forêts primaires, la raison critique disparaît un peu plus tous les jours. Direct et droit dans ses bottes, l'auteur présente un album décalé jusqu'à l'absurde – tant visuellement que narrativement – mêlant sincérité et mélancolie profonde.
Version redux et hardcore de l’agrégation de philo, une approche sans concession menée par l’extravagant et la colère, puis résolue de la même manière, La philosophie dans la savane est une proposition indéfinissable qui prend aux tripes (ce n’est pas Nietzsche qui dira le contraire).